La Constitution et le « programme de vie » de la Russie dans les circonstances actuelles
En plus des modifications concernant l’organisation administrativo-territoriale de la Fédération de Russie (art. 67), la succession de l’URSS, (art. 67.1), la défense de la culture des peuples de Russie et le soutien des concitoyens à l’étranger (art.69), le système des organes de pouvoir public (art. 70), la répartition des compétences entre la fédération et ses sujets (art. 71 et 72), le statut des organes d’État et de leurs responsables, ont été adoptées des modifications qui ressortent du contexte général.
Ainsi, un nouvel article 67.1 a fait son apparition dans la Constitution, dont la première partie est consacrée au postulat assez évident du statut de successeur juridique de la Russie sur la scène internationale après la chute de l’URSS. Pourtant, les autres parties de cet article sont loin d’être techniques. Dans la deuxième partie, il est indiqué que la Fédération de Russie, unie par une histoire millénaire, conserve la mémoire de ses ancêtres, qui ont transmis les idéaux et la foi en Dieu, et par ailleurs pose l’unité de l’État, comme un élément historiquement constitué permettant la continuité de l’État russe. La troisième partie souligne que la Fédération de Russie célèbre la mémoire des défenseurs de la Patrie, garantit la défense de la vérité historique. La minimisation de l’importance des exploits du peuple lors de la défense de la Patrie n’est pas permis. Et la quatrième partie est consacrée aux enfants : les enfants sont la priorité première de la politique d’État de la Russie. L’État crée les conditions permettant le développement entier, spirituel, moral, intellectuel et physique, l’éducation en eux du patriotisme, de la citoyenneté et du respect des anciens. L’État, tout en garantissant la priorité de l’éducation familiale, prend sur lui les obligations parentales à l’égard des enfants, restés sans garde.
La nouvelle rédaction de l’art. 68 al.1 établit le statut de la langue russe, comme langue d’État – la langue du peuple constituant, entré dans l’union multiethnique des peuples égaux en droit de la Fédération de Russie.
Par ailleurs, l’art. 72, consacré aux questions de compétences partagées de la Fédération de Russie et des sujets de la Fédération de Russie, a été augmenté d’un point g) : « la coordination des questions de santé, notamment la garantie de l’accès à une médecine de qualité, la protection et le renforcement de la santé publique, la mise en place des conditions favorables au développement d’un mode de vie sain, la création d’une culture de la responsabilité du citoyen par rapport à sa santé ; la protection sociale, notamment la sécurité sociale ». Et cela à la place d’un simple « la coordination des questions de santé ; défense de la famille, de la maternité, de la paternité et de l’enfance ; la protection sociale, notamment la sécurité sociale ».
De plus, un nouveau point g.1) a été introduit dans la compétence partagée de la Fédération de Russie et des sujets : « la défense de la famille, de la maternité, de la paternité ; la défense de l’institution du mariage comme l’union d’un homme et d’une femme ; la mise en place des conditions d’une éducation digne des enfants dans la famille, et également de la réalisation par les enfants adultes de leur obligation d’assistance envers leurs parents ».
Dans ce contexte, le nouvel art. 75.1 présente un intérêt tout particulier pour la Constitution, en ce qu’il prévoit que la Fédération de Russie met en place les conditions pour le développement économique stable du pays et l’augmentation du niveau de vie des citoyens, pour la confiance réciproque de l’État et de la société, garantit la défense de la dignité des citoyens et du respect du travail humain, l’équilibre entre les droits et les obligations du citoyen, le partenariat social, la solidarité économique, politique et sociale.
À première vue, rien n’a changé. En effet, au sujet des enfants et de la famille, l’on avait déjà les normes du Code de la famille de la Fédération de Russie et la loi fédérale du 24 juin 1999 N° 120-FZ « sur les fondements du système de prévention de l’abandon et de la délinquance juvénile » ; au sujet du travail et du partenariat social, il y a les normes correspondantes du Code du travail ; concernant la santé, on retrouve ces dispositions dans la loi fédérale du 21 novembre 2011 N° 323-FZ « sur les fondements de la protection de la santé des citoyens de la Fédération de Russie ».
Pourtant, si l’on porte un regard systémique sur les nouvelles normes, ou normes renouvelées précitées, l’on obtient un tableau intéressant. L’intégrité du territoire russe n’est pas uniquement déclarée et défendue (art. 67), mais elle s’explique également par l’unité de l’État, constituée par une histoire millénaire, grâce à la mémoire des ancêtres, à des idéaux communs, à la foi en Dieu, à la continuité du développement de l’État. Ce sont effectivement ces pierres angulaires, qui permettent de ne pas détruire l’unité territoriale et donc ces pierres angulaires qu’il faut protéger, à travers la protection de la mémoire historique des exploits des soldats et de la vérité héroïque historique du pays. C’est alors que survient la question : et comment protéger cette unité ? La réponse à cette question est évidente : par l’éducation de nos enfants. Le développement des enfants doit être réalisé de sorte que les générations futures poursuivent la continuité historique de la Russie, protègent son unité. Pour cela, une éducation patriotique, spirituelle, intellectuelle, morale et physique est nécessaire. Si l’État n’en fait pas une priorité, il pourra dans un avenir proche s’affaiblir, s’effondrer et périr. C’est en ce sens, que les enfants sont aussi une garantie de l’unité future de l’État. Et pour garantir ce développement des enfants, l’État doit protéger, défendre l’institution de la famille dans son sens traditionnel pour la Russie, à savoir l’union d’un homme et d’une femme, par le respect des parents et le soin qui leur est apporté (sinon cela irait à l’encontre du développement spirituel, moral et physique des enfants, puisque cela entrerait en conflit avec les idéaux et la croyance en Dieu, que nous ont transmis nos aïeux.). Le cercle des valeurs se referme. Et si la famille ne remplit pas cette fonction de garantie des conditions de développement des générations futures, alors l’État s’en charge.
Pourtant, pour que la famille puisse correctement éduquer les enfants, l’État doit être socialement orienté, ce qui suppose une solidarité politique et sociale du peuple et de l’État. Cette approche permet aussi de neutraliser les fondements ouvrant la voie aux secousses révolutionnaires. Cette solidarité ne peut être garantie qu’au prix d’un renforcement du bien-être de la population par une relance de l’économie par l’État qui, de son côté est soutenu par l’exécution volontaires de leurs obligations par les citoyens. Mais les citoyens n’exécuteront leurs obligations et ne seront solidaires avec l’État, que s’ils ont la possibilité de réaliser et défendre leurs droits, que si le respect et la défense de l’honneur et de la dignité humaine sont garanties. Autrement dit, la croissance économique ne peut, alors, qu’être le fait d’un travail honnête et responsable des citoyens. Et pour pouvoir bien travailler, il faut, tout d’abord, que les gens soient en bonne santé, ce qui implique de développer la médecine et d’éduquer les citoyens à aspirer à un mode de vie sain ; ensuite, il est impératif de montrer et nourrir le respect des gens pour le travail ; enfin, le travail doit être correctement rémunéré. Ainsi, nous revenons au bien-être des gens et ce cercle des garanties se referme lui aussi.
En ce sens, dans la Constitution a été placé un programme vital pour la Russie, la quintessence de son existence future, autrement dit ce sans quoi la Russie, comme puissance étatique, ou même simplement comme État, sur le plan humain, ne pourra exister. C’est alors que survient une question : et fallait-il établir ce programme sous forme constitutionnelle ? En effet, ces modifications ont entraîné beaucoup de doutes, d’inquiétudes, de conflits. L’on a pu entendre parler d’une cléricalisation de l’État : puisque la Constitution parle de Dieu, maintenant les incroyants, les athéistes violent la Loi fondamentale. Pourtant et avant, la loi fédérale du 26 septembre 1997 N° 125-FZ « sur la liberté de conscience et les organisations religieuses » visait directement l’importance historique pour la Russie de l’orthodoxie, de ses traditions, des religions, constituant une part intégrante de l’héritage historique russe. Et par ailleurs, personne ne se prononce sérieusement contre la naissance du Christ et même ne demande l’annulation de cette fête étatique, très peu renoncent à leurs prénoms obtenus selon le calendrier des saints, aucune personne adéquate ne rejette le calendrier cyrillique, créé par les saints frères Méthode et Cyrille, personne de demande la décanonisation des Princes saints orthodoxes Daniel de Moscou, Alexandre Nevski, Dmitri 1er Donskoï, des moines héros de la bataille de Kulikovo Peresvet et Oslyabya, de Ilya Mouromets.
L’on a entendu parler de ces dangereux parents traditionnels non-libéraux, qui, soi-disant, ont intégré dans la Constitution des normes, permettant d’ôter leurs enfants aux parents, ce qui est une voie directe vers la « justice juvénile ». Parce que vraiment, sans ces normes constitutionnelles, il était impossible de priver les parents négligents de leur autorité parentale ? Ces normes existent et doivent exister.
Ont donné de la voix et ceux qui ne comprenaient pas pourquoi la Constitution devait mettre l’accent sur l’inviolabilité de l’histoire et encore une fois se souvenir des ancêtres – en effet, ils sont déjà cités dans le Préambule de la Constitution (Nous, peuple multiethnique de la Fédération de Russie (…)vénérant la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis l’amour et le respect de la Patrie, la foi dans le bien et la justice …). Peut-être oui, fallait-il modifier le Préambule, y ajouter la vérité historique, la foi en Dieu, les idéaux, mais alors disparaît l’enjeu des modifications : dans le préambule, il est question du peuple, qui adopte la Constitution, alors que les articles modifiés contiennent la condition sine qua non de l’existence de l’État russe.
Certains ont vu dans les normes concernant la famille une nouvelle atteinte contre l’idole à la mode de notre époque – la tolérance. Pourtant, et sans besoin de la Constitution, le Code de la famille de la Fédération de Russie définit la famille comme l’union d’un homme et d’une femme. Et la question n’est pas de restaurer dans le Code pénal l’interdiction de la sodomie, mais que la Russie rende inviolables ses idéaux historiques et qu’elle n’ait pas peur de le rendre public. Un programme de vie et non de dépérissement est introduit dans la Constitution – la légalisation, ou pour le moins la possibilité de la légalisation des mariages homosexuels, aurait justement signifié la programmation du dépérissement physique de l’humanité.
Il y a eu et ceux qui se sont insurgés avec beaucoup d’émotion – soi-disant, encore une fois, il n’y a rien à propos des Russes, qu’il n’y a pas de peuple russe, mais un peuple constituant. Sans même plus entrer dans une analyse détaillée de la question du concept de « russe », est-ce une nationalité ou une identité, la Constitution désormais indique clairement la langue russe comme langue du peuple constituant. Il est donc, d’un côté, logique de déduire que le peuple constituant est le peuple russe, quand d’un autre côté personne n’est blessé, puisque seule l’histoire réunit les nations dans un peuple unifié, ainsi qu’une langue commune.
Et enfin, il est possible de reconnaître le bien-fondé de ceux qui voient en ces normes une sorte de couverture, un écran de fumée ou une guirlande de Noël, derrière lesquels se cache la réalisation de la véritable conception des auteurs de la réforme, à savoir une perestroïka politico-institutionnelle. Pourtant, si les organes d’État réformés vont réaliser le programme de vie de la Russie dans les conditions actuelles, programme intégré dans la Constitution, alors souhaitons leur de le faire ! L’important, maintenant, est d’exiger de ces organes d’État réformés la réalisation de ce programme mis dans la Constitution, qui, comme chacun le sait, bénéficie d’un effet direct. Et si les nouvelles lois vont dévier du sens des modifications, alors la Cour constitutionnelle, espérons-le, devra se lever en première ligne de la défense des nouvelles normes constitutionnelles.
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