«Lois Yarovaya»: terrorisme international, professionalisme du législatif et sécurité de la Russie
L’article analyse le processus d’élaboration, d’adoption et de mise en oeuvre des deux lois fédérales adoptées en juillet 2016 par la Fédération de Russie, appelées lois Yarovaya, visant à l’amélioration de la lutte anti-terroriste et notamment la lutte contre le terrorisme international.
Le 14 juillet, à Nice, en France, a eu lieu une terrible tragédie, un acte terroriste que l’état islamique a fini par reconnaître, affirmant que l’auteur de cet attentat est un soldat de l’état islamique, qui a répondu à l’appel lancé contre les citoyens des pays entrant dans la coalition anti-terroriste.
En effet, l’attentat s’est déroulé selon le scénario décrit dans l’une des vidéos de formation des terroristes. En juin, le Centre international d’étude de l’extrémisme violent a ainsi appris que l’état islamique conseillait à ses exécutants d’utiliser des camions pour tuer le plus d’enfants possible. Et plus tôt, encore en mai, Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieur, avait prévenu de la possible utilisation de moyens de transport par les terroristes pour réaliser des attentats.
Le Président russe a envoyé un message de condoléances au peuple français, considérant cet acte terroriste inhumain et barbare. « Le terrorisme est totalement étranger à la morale humaine, ses victimes sont des êtres totalement innocents, notamment des femmes et des enfants. » a déclaré le Président russe, affirmant que la Russie était prête à collaborer avec la France dans la lutte contre le terrorisme.
Peu avant cela, j’avais commencé à écrire quelques mots sur la modification de la législation russe en matière de lutte contre le terrorisme. Après les évènements de Nice, ce thème prend une actualité particulière, pas seulement pour la France ou la Russie, mais pour n’importe quel pays. L’attentat de Nice, qui compte aussi des citoyens russes parmi les victimes, n’est rien d’autre qu’un acte de terrorisme international.
A ce sujet, le 6 juillet 2016, le Président russe a signé deux lois fédérales : la loi fédérale N°374-FZ portant modification de la loi fédérale sur la lutte contre le terrorisme et d’autres actes législatifs établissant des mesures supplémentaires de lutte contre le terrorisme et de garantie de la sécurité publique ; la loi fédérale N°375-FZ portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale concernant les mesures supplémentaires de lutte contre le terrorisme et la garantie de la sécurité publique.
Les deux lois fédérales furent adoptées par la Douma fédérale[1] le 24 juin 2016 et par le Conseil de la Fédération[2] le 29 juin 2016. Les propositions de loi furent élaborées et déposées par une député du parti Edinya Rossya (Russie Unie), Irina Yarovaya, et par le sénateur Viktor Ozerov, prenant l’appellation non officielle de « lois Yarovaya » ou « lois anti-terroristes ».
Pour simplifier, disons que ces lois sont adoptées en vue d’améliorer la législation concernant la lutte contre le terrorisme.
Ainsi, la loi fédérale N°375 porte, entre autre, modification des lois fédérales sur la lutte contre le terrorisme, la sécurité des transports, la sécurité des complexes énergétiques. De cette manière, les fondements pour lancer une opération contre-terroriste ont été précisés, le caractère obligatoire des décisions des commissions anti-terroristes dans les Sujets de la Fédération[3] a été posé, les compétences des organes de l’auto-administration locale ont été précisées en la matière. A également été établi le régime de coopération concernant la vérification d’information sur le risque d’une atteinte à des transports ou à des complexes énergétiques.
En plus de cela, 12 lois fédérales et Codes ont été modifiés, sur le fondement desquels différentes mesures ont été introduites. Il s’agit, par exemple, de l’interdiction d’utiliser certains éléments spécifiques militaires faisant partie d’armes de poing et d’armes à feu de service lors de la construction d’armes civiles ; de la précision du concept de « financement du terrorisme » ; de l’établissement du droit des organes fédéraux du pouvoir exécutif, dans le domaine de la garantie de la sécurité, et du Service du renseignement extérieur de la Fédération de Russie d’obtenir de manière unilatérale des organes publics et des fonds publics non budgétaires des systèmes d’informations et/ou des bases de données ; de l’adoption de nouvelles exigences à l’égard des opérateurs et des organismes organisant la diffusion de l’information sur internet ; adoption de nouvelles exigences également lors de l’organisation d’expéditions scientifiques.
De plus, des modifications furent apportées aux lois fédérales sur la liberté de conscience et les organisations religieuses, sur le régiment d’entrée et de sortie de la Fédération de Russie, du Code de l’habitation, à la régulation juridique de l’activité missionaire.
La loi fédérale 375-FZ élargit la liste des infractions considérées comme terroristes, pour lesquelles l’âge de la responsabilité est abaissé à 14 ans. Parallèlement, la responsabilité pénale en cas de terrorisme et d’extrémisme est renforcée.
Par ailleurs, cette loi précise la définition du « financement du terrorisme ». Dans la rédaction actuelle de la loi fédérale du 7 août 2001 N°115-FZ, le financement du terrorisme est défini comme (en itallyque l’ajout de la loi réforme de 2016) « l’octroi ou la réunion de moyens ou l’apport d’un soutien financier en ayant connaissance de ce qu’ils sont destinés au financement de l’organisation, de la préparation ou de la réalisation d’au moins un des crimes prévus par (…) le Code pénal, soit pour le financement ou le soutien matériel d’une personne dans le but de la réalisation par cette personne d’au moins un des crimes prévus, soit l’aide apportée à une bande organisée, à un groupe armé ou à un groupe criminel créé ou en création en vue de la réalistion d’au moins un des crimes visés. ».
Ainsi, le financement du terrorisme ne concerne plus simplement les groupes, mais également les individus. De même, l’objet du financement est élargit à l’aide matérielle.
Rappelons que suite à l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution N°1371 de 2001, la communauté internationale a commencé à utiliser les mécanismes de rétorsions financières dans la lutte contre le terrorisme. En octobre 2001, le mandat du Groupe d’action financière (GAFI) a été élargi : en plus de la lutte contre le blanchiment d’argent, il a compétence pour travailler aux mesures à prendre afin de lutter contre le financement du terrorisme. Selon les spécialistes du GAFI, les besoins de financement des organisations terroristes sont de deux sortes : le financement d’opérations terroristes concrètes, comme le financement des frais directes liés à l’exécution d’une opération terroriste précise, et le financement plus large de l’activité de l’organisation, comprenant le financement structurel et la propagande idéologique, permettant son développement. Dans cette logique, en 2001, la Russie a également adopté la loi fédérale du 7 août 2001 N°115-FZ sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Le Code pénal est complété par un article 205.6 « non dénonciation d’un crime », établissant la responsabilité pénale pour non information des organes publics compétants pour examiner les dénonciations de crimes et de personnes dont il est clairement établi qu’elles ont commis au moins un crime relevant du terrorisme. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas pour la non-dénonciation d’un conjoint ou d’un parent proche.
Par ailleurs, le Code pénal se complète d’un nouvel article 361 « Acte de terrorisme international », plaçant dans une catégorie particulière les explosions, incendies ou tout autre acte mettant en danger la vie, la santé ou la liberté et l’inviolabilité des citoyens russes commis en dehors du territoire de la Fédération de Russie, dans le but de la violation de la cohabitation pacifique des Etats et des peuples, soit dirigés contre les intérêts de la Fédération de Russie.
La loi fédérale N°375-FZ modifie également le Code de procédure pénale en précisant la répartition des compétences entre les juridictions pénales de droit commun et les juridictions militaires, ainsi que le régime juridique de la mise en oeuvre de certains aspects processuels pénaux en dehors de la Fédération de Russie.
De plus, la loi prévoit la possibilité, sur décision de justice, d’avoir accès à des messages électroniques envoyés par les réseaux de communication électronique, lorsqu’il y a suffisamment de fondements pour estimer qu’ils peuvent avoir une importance pour l’enquête.
Il parait évident que la base normative russe a été profondément modifiée. Pourtant, l’aspect des « Lois Yarovaya » qui a provoqué la plus grande réaction dans la société, est la disposition de la loi fédérale N°374-FZ, qui établit des exigences supplémentaires à l’égard des opérateurs de communication et des organismes diffusant l’information sur internet, à savoir la conservation des échanges et des discussions entre les utilisateurs pendant une période de 6 mois.
Le directeur général de Mégaphone, Sergueï Soldatenko, a souligné que les opérateurs avaient prévenu les députés du coût élevé pour les compagnies entraîné par cette disposition. Après l’adoption des propositions de loi par la Douma, Soldatenko, le directeur général de Vympelcom Mikhail Slobodine, le président de MTS[4] Andreï Dubovskoï et le premier vice-directeur général de Tele 2 Alexandre Provotorov se sont adressés au Conseil de la Fédération et ont demandé de rejeter les propositions de lois au motif qu’elles sont néfastes pour ce secteur économique. Le coût imposé aux opérateurs, selon leur propre estaimation, dépasse les 2,2 trillons de roubles[5]. L’essentiel des frais sera engagé à la création d’un système de gestion, de recherche des données et d’identification des messages.
Jusqu’au dernier moment, les analystes non plus ne croyaient pas en l’adoption de ces Lois Yarovaya. « Il nous semble peu vraissemblable que la proposition de lois soit adoptée en l’état. Toutefois, si tel était le cas (…) cette proposition de loi pourrait négativement influer sur le raiting des compagnies », affirmait le 6 juillet l’analyste de S&P Global Ratings Svetlana Achepkova. Les acteurs de ce secteurs affirmaient que les frais induits par la Loi Yarovaya dépasse leurs bénéfices et qu’il sera donc nécessaire d’augmenter les tarifs deux à trois fois.
Irina Yarovaya a déclaré qu’il n’y avait aucun fondement objectif pour augmenter les tarifs et que les opérateurs cherchaient seulement une bonne raison pour augmenter leurs profits. Selon elle, « la loi ne prévoit pas de conserver l’information. La loi prévoit seulement le droit pour le Gouvernement de déterminer dans un délai de deux ans ce qu’il faut sauvegarder ou non, dans quel volume et à l’égard de quel moyen d’informations ». Avant l’examen des Lois par le Conseil de la Fédération, Viktor Ozerov affirme qu’il sera possible à tout moment, si cela apparaît nécessaire, d’y apporter des modifications.
Avant l’examen de la Loi par les sénateurs, le ministère de l’information et des communications a envoyé au vice Premier-ministre Arkadi Dvorkovitch plusieurs propositions de modifications. Tout d’abord, retirer la disposition selon laquelle les opérateurs téléphoniques et internet seront obligés de transmettre aux forces de l’ordre les clés des informations codées. Ensuite, le ministère proposait de réduire le délai de stockage des informations concernant le transfert de données.
Des remarques ont été formulées également à l’égard d’autres aspects des Lois Yarovaya. Ainsi, le Conseil d’état du Tatarstan a demandé aux sénateurs Oleg Morozov et Ildus Akhmetzianov de ne pas voter ces lois. L’assemblée législative du Tatarstan avait des doutes concernant les dispositions limitant l’activité missionaire et l’accomplissement des rites. Mintimer Chaïmev a supposé que les propositions furent adoptées un peu « rapidement » par la Douma. Viktor Ozerov lui a répondu que les dispositions ne touchent en rien l’activité des organisations religieuses officiellement enregistrées.
Le Conseil auprès du Président de la Fédération de Russie pour le développement de la société civile et des droits de l’homme a demandé à Vladimir Poutine de rejeter ces propositions de loi « en raison de leur inconstitutionnalité et du caractère contradictoire et incertain de certaines de leurs normes » (introduction de la responsabilité pénale pour participation à l’activité de groupes terroristes internationaux et punition des appels publics au renversement du pouvoir par la force et attaque des ambassades ; responsabilité pénale pour non dénonciation de crimes liés au terrorisme). Cette déclaration a été faite déjà après que les sanateurs aient adoptés ces dispositions.
Entre autre, le Conseil des droits de l’homme indiquait que l’introduction dans le Code pénal d’un article sur la non-dénonciation est une « erreur juridique », puisqu’il envisage la responsabilité pour la non exécution d’une obligation qui n’existe pas dans la législation russe, cette norme contrevient et à la Constitution et au Code pénal. En ce qui concerne les exigences à l’égard des providers et des opérateurs, le Conseil des droits de l’homme les considèrent disproportionnées et dangereuses pour la société et leurs exécutions conduit « indubitablement à des dépenses annexes colossales et à l’augmentation des prix, ainsi qu’à la liquidation de fait des garanties constitutionnelles de protection des données personnelles et d’inviolabilité de la vie privée ».
Pour résumer, les reproches adressés aux propositions de loi Yarovaya, on dirait : cher, inefficace, violant les droits de l’homme.
Le porte-parole du Président, Dmitri Peskov, avant leurs signatures, a déclaré que Vladimir Poutine était au courant des reproches adressés à ces lois, mais qu’il ne prendrait sa décision définitive que lorsque les lois arriveraient sur son bureau pour signature.
En signant les lois fédérales (N°374-FZ et N°375-FZ) le 6 juillet, le Président a donné des instructions au Gouvernement et au FSB pour qu’ils préparent les documents normatifs nécessaires à la mise en oeuvre. Notamment, avant le 1er novembre 2016, le graphique de mise en oeuvre des dispositions engageant des frais pour les opérateurs doit être établi. « Le Cabinet des ministres a pour instruction d’effectuer un monitoring très précis du processus d’implantation de cette loi pour , en cas de nécessité, minimiser les risques financiers possibles en utilisant l’équippement de production nationale pour la conservation de l’information et autres éléments, et si cela se révèle nécessaire proposer des mesures permettant de réduire ces risques. » a déclaré D. Peskov à l’agence d’informations TASS.
Au ministère de la production et du commerce et au ministère de l’information et de la communication, V. Poutine a demandé d’analyser et de formuler les propositions quant aux « possibles délais et volumes de dépenses pour organiser la production nationale de l’équippement et des programmes nécessaires pour la sauvegarde et le traitement de l’information vocale, des textes écrits, des images, des sons, des vidéos etc des utilisateurs des réseaux internet et l’information sur ces utilisateurs ».
Au FSB, il a été demandé de confirmer le régime de certification des moyens de codification lors de la transmission des informations par internet, d’établir la liste des moyens nécessitant certification et également le régime de transmission des clés de codes chiffrés à l’intention des organes compétents dans le domaine de la défense de la sécurité nationale.
Comme prévu, le marché a réagit à l’annonce de ces mesures : le 7 juillet, à la bourse de Moscou, les actions de la société Rostelekom ont chuté de 4,5%, celles de MTS de 2,51% et Mégafone de 0,99%. En revanche, les récépissés de dépôts « Yandex » ont augmenté de 1,2%.
Les dépenses unitaires en capital visant à la réalisation de ce projet, uniquement pour Mail.ru Group s’élève à 1,2-2 milliards $, ce qui corespond environ à trois fois son bénéfice annuel. Par ailleurs, la compagnie s’attend à ce que les frais annexes de fonctionnement induits s’élèvent à environ 80-100 millions $. Encore 35-40 millions $ seront nécessaires pour la part programmation.
Selon Mail.ru Group, la mise en oeuvre de ces lois conduirait à une sauvegarde d’information qui n’a aucun sens, dont une grande partie ne peut être déchiffrée. Aujourd’hui, il existe deux types de codage : les canaux avec codage et le codage end-to-end. Le premier type couvre 35-65% de l’internet russe. Les prestataires de service internet peuvent déchiffrer eux-mêmes ces messages, mais pas les opérateurs de communication. Le codage end-to-end est utilisé beaucoup plus rarement, mais se développe rapidement : il est, par exemple, utilisé par les services de messagerie WhatsApps et iMessenger. Le contenu des messages n’est accessible qu’aux utilisateurs eux-mêmes, et non aux opérateurs ou prestataires de services selon Mail.ru Group.
Les dépenses des opérateurs de communication russes pour mettre en oeuvre les lois concernant la conservation des informations s’élève à 3,9 trillions de rouble selon Mail.ru Group. Les compagnies internet seront amenées à dépenser à peu près la même somme. Sans compter qu’il faut compter 3 à 5 ans pour réaliser les systèmes nécessaires à la conservation des informations conformément à la loi. Pour cela, il faut compter encore 4500 baies de stockage supplémentaires dans les centres de données et il n’existe pas une telle puissance dans le pays. Le délai minimal pour construire de tels centres est de 3-4 ans estime Mail.ru Group, avant cela la loi est techniquement inapplicable.
L’association nationale du commerce à distance a également effectué des prévisions de dépenses logistiques sur le fondement de la Poste de Russie. Selon les analystes, en tenant compte du nombre de succursales dans le pays, à savoir 42 000, les frais induits par le montage d’un appareillage spécial est de l’ordre de 500 milliards de roubles. Sans compter 100 milliards pour le service technique et le personnel lié.
D’autres entreprises ayant une licence postale vont être aménées à investir dans cet appareillage spécial, ce qui pourra aller jusqu’au doublement du coût de livraison des courriers et colis. En conséquence, l’on attend une baisse de l’achat en ligne d’un ordre de 30-40%.
Les milieux patriotiques russes ont développé leur vision des lois antiterroristes, en se fondant sur le « contexte ».
Selon Nicolaï Starikov, un des leader du mouvement patriotique russe, l’ensemble de ces modifications législatives vise le renforcement de la lutte antiterroriste. « Il doit mettre un instrument entre les mains des forces de l’ordre. En cela réside le sens de ces modifications. Certes, cela semble un peu sec. Mais, premièrement, le Président a donné l’instruction de continuer à travailler à sa réalisation technique et, deuxièmement, la plupart des critiques ne correspondent pas à la réalité, sont des histoires pour faire peur. ».
Afin de comprendre pourquoi les représentants de la 5e colonne ont fait tant de bruits, selon lui, il suffit de comprendre la situation dans son ensemble. L’enjeu est le suivant : en 2017-2018, l’Occident planifie d’organiser une « révolution de couleur » en Russie. Le but est de ne pas permettre la réélection à la présidence de V. Poutine. La situation dans notre pays, selon les plans des Etats Unis, dans ce laps de temps, doit se dégrader. Les sanctions doivent jouer leur rôle et les prix des exportations russes sont artificiellement maintenues à la baisse. A l’intérieur fonctionne le Gouvernement de D. Medvedev, dont le slogan est « Il n’y a pas d’argent, mais tenez le coup ! », et provoque déjà aujourd’hui une réaction fondée de mécontentement chez les gens. L’Occident a besoin d’un nouveau Bolotnaya[6]. Il faut une masse de gens. La raison du mécontentement, il la trouvera. Mais il faut organiser les gens, les faire sortir dans la rue, les réunir. Leur apprendre où et quand, et ce qu’il faut faire. Il faut coordonner les combattants. Tout cela se fait par l’intermédiaire des réseaux sociaux (internet), qui ont commencé à activement coder l’information.
D’où le point central des Lois Yarovaya : transmettre toutes les clés de code aux organes compétents. Voilà d’où vient la résistance.
Ensuite, selon Starikov, vient le plus important. « Quand la NSA enregistre tout, personne ne dit rien. Pourquoi ? Parce qu’avec la demande d’information adressée à la NSA, il y a l’obligation de ne pas diffuser l’information concernant la demande elle-même et la réponse.
Alors, quand les « facebookiens » refuseront d’appliquer la loi, viendra le moment de vérité. Les réseaux sociaux ont été créés comme un instrument politique, ont été créés aux Etats Unis. Alors il faudra fermer tout ce qui ne veut pas fonctionner selon notre loi et laisser tous ceux qui la respecte. »
En ce sens, les Lois Yarovaya, pas maitenant mais dans la perspective, font perdre aux Etats Unis un de leurs instruments, avec lequel ils propagent le chaos et détruisent les Etats. Alors que l’Etat russe, pour ses citoyens, a une valeur très forte. C’est pourquoi la population soutient le Président V. Poutine qui a signé le 6 juillet les lois N°374 et N°375, se comportant en garant de la sécurité nationale de la Russie et de ses citoyens, selon Starikov.
Quoi qu’il en soi, il est important de souligner le bienfondé de la critique portée au législateur.
Il faut reconnaître que l’on ne remarque pas particulièrement le caractère pointilleux et appliqué du travail fait par le législateur, et plus concrètement par les auteurs des projets de lois. Ceci est confirmé par le nombre d’instructions prises par le Président russe au sujet de la réalisation de ces lois fédérales, par l’absence de coordination avec le Ministère des télécommunications et le Ministère de l’industrie et du commerce, par les diverses critiques portées par les Sujets de la Fédération (parlement du Tatarstan).
L’absence d’évaluation du coût financier lié à l’exécution de ces lois pour le business est impardonnable. S’il n’est pas significatif, comme l’affirment les auteurs de ces lois, alors pourquoi ne pas prévoir une mise en oeuvre aux frais du budget fédéral ? Il est évident que ces coûts doivent être financés par les budgets des organes fédéraux du pouvoir exécutif dans le domaine de la garantie de la sécurité, qui ont le droit de réunir l’information des opérateurs et autres acteurs du secteur internet.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu de dialogue avec les représentants du secteur et pas de recherche d’une solution optimale ? Ceci soulève également des questions concernant la manière de travailler des députés de la 6e législature. Il aurait été tout à fait possible de trouver un compromis technique. Par exemple, les acteurs de ce secteur gardent l’information pendant un délai de 1 mois, ce qui aurait permis de réduire de 6 fois les coûts pour le business ; parallèlement, les organes publics intéressés récupèrent l’information nécessaire chaque mois et la conservent aussi longtemps qu’ils le veulent, pourquoi pas 10 ans.
Malheureusement, le législateur n’a pas prévu de mesures de protection des données privées, ni de responsabilité en cas de fuite. Alors que la société russe a déjà été confrontée à des situations dans lesquelles des bases de données officielles se sont retrouvées sur le marché.
Il est absolument inacceptable que l’Etat n’ait pas demandé d’expertise concernant les risques possibles pour les utilisateurs des services internets fournis en lien avec la possible augmentation de leur coût. Surtout à une époque où la capacité d’achat des citoyens russes a fortement baissé.
En conclusion, disons que malgré tous leurs défauts, ces lois vont pousser les terroristes à réfléchir au fait que même dans plusieurs années ils pourront se retrouver devant un juge et être légalement condamnés. Il nous reste à espèrer que les députés de la 7e législature, dont les élections auront lieu le 18 septembre, tiendront compte des erreurs de leurs prédécesseurs.
Permettez moi encore de présenter mes condoléances aux familles des victimes de l’attentat de Nice et de souhaiter un prompt rétablissement aux personnes blessées.
[1] Chambre basse du Parlment russe. – note CGFR
[2] Chambre haute du Parlement russe. – note CGFR
[3] Ce sont les entités fédérées. – note CGFR
[4] Ce sont les plus grands acteurs du secteur. – note CGFR
[5] 1 euro équivaut environ à 70 roubles. – note CGFR
[6] Manifestations massives organisées par l’opposition après les dernières élections législatives. – Note CGFR
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