Les éléments du principe de libre disposition lors de la révision d’une décision de justice en matière pénale
Cet article présente les éléments de droit privé dans le procès pénal et en tire les conclusions de l’élargissement des limites du principe de libre disposition dans le cadre de l’accusation privée et de l’action civile.
Il est admis que le droit est un système de règles de conduites obligatoires qui sanctionnent et qui sont protégées par l’Etat. Ces règles sont obligatoires, soit pour toute la société, soit pour une partie de la société. L’Etat confère la force obligatoire à ces règles et a le pouvoir de sanctionner leur non-respect. Dans la plupart des pays, les normes de droit sont écrites, adoptées sous forme de lois et de règlements. Elles sont individualisées par les décisions des juges judiciaire et les actes administratifs. Cette interprétation caractérise l’existence du droit positif, même s’il existe également la coutume ou les normes religieuses.
Par ailleurs, un individu a le droit de se comporter dans les limites du droit positif. L’individu a le droit de conclure ou non des contrats, détenir ou non une propriété. Cette variabilité caractérise le côté subjectif du droit.
« Il existe un certain dualisme dans la réglementation juridique. D’un côté, le droit doit définir et protéger les « frontières de la liberté », à savoir des « frontières » déterminant l’espace nécessaire pour l’indépendance de chacun, et en dehors desquelles la liberté de l’individu devient « anti libre », à savoir une forme de permissivité rampante des hommes libres, arbitraire et chaotique. D’un autre côté, il est nécessaire de garantir la liberté de l’individu par des moyens et des mécanismes juridiques permettant de la rendre réelle ; le caractère contraignant de la loi, la justice, tout instrument juridique orienté vers la protection de l’ordre et de la légalité, tout cet ensemble de moyens juridiques permet – et souvent seulement lui le permet – dans des conditions de vie complexes, voire contradictoires, remplies d’intérêts conflictuels, émotionnels, antagonistes, de réaliser la liberté de l’individu dans ses aspects positivistes dans la vie de tous les jours ».[1]
Des rapports entre intérêts publics et privés dans les normes de droit découlent le principe de libre disposition et le caractère public, ex officio. Le caractère public, ex officio, est plus répandu dans le droit public et le principe de libre disposition concerne plutôt le droit privé. La division du droit entre public et privé est très connue dans beaucoup de systèmes juridiques. Cette division est évidente et fondamentale pour la plupart des juristes[2]. L’Administration et les services publics doivent prendre des décisions au nom des principes de droit public. En cas de conflit entre intérêts de l’Etat et intérêts individuels, on privilégie les intérêts de l’Etat. Au contraire, le principe de libre disposition donne aux citoyens la possibilité de disposer de leurs droits matériels ou procéduraux sans immixtion de l’Etat. Dans la libre disposition, l’intérêt privé prime sur l’intérêt de l’Etat[3].
La division entre droit privé et droit public définit deux grands champs du droit qui ont leurs propres domaines de droit. La doctrine sépare le droit privé en droit civil, droit de la succession, droit de la famille, droit d’auteur, droit des brevets, droit du travail et droit des affaire avec son « noyau » le droit des entreprises.[4]
Le droit public comprend la procédure pénale, le droit pénal, le droit administratif, le droit financier et d’autres branches du droit où priment les intérêts de l’Etat et de la société en général. Sans doute, cette division n’est pas absolue mais en générale, le droit public et le doit privé sont différenciés en fonction de ces principes.
Dans la procédure pénale, « l’intérêt public » prime, ce que signifie que la méthode de réglementation juridique est impérative. L’article 2 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie ne fixe pas le caractère public, cela ne signifie pas que ce caractère n’existe pas. « Le caractère public, ex officio, trouve sa place dans la plupart des normes de la procédure pénale, à certaines petites exceptions près. La notion complète du principe ex officio ne se trouve pas dans un article du Code de procédure pénale et n’est pas inclu dans un chapitre concernant les principes de la procédure pénale, car cela n’est pas opportun et peut porter atteinte au contenu de cette notion. L’absence de définition légale de la notion de caractère public ne diminue pas son importance et n’influence pas sur son existence objective comme fondement de la procédure pénale»[5].
La prédominance du caractère public ne signifie pas que la libre disposition, élément dominant en droit privé, soit absente dans la procédure pénale. Il est possible de relever :
- L’égalité entre les personnes juridiques, c’est-à-dire les mêmes pouvoirs et les mêmes possibilités;
- La liberté de choix, c’est-à-dire le droit d’accepter ou de refuser un acte juridique;
- La variabilité du comportement, le choix du modèle de comportement autorisé par la loi.
- A. Kasatkina donne la classification suivante des formes de recours à la libre disposition dans la procédure pénale :
1) Lors de l’examen de la question de l’ouverture d’une affaire pénale :
– la possibilité pour la victime d’ouvrir la procédure pénale
– la prise en considération de l’avis de la personne physique (par exemple, le dirigeant de l’entreprise) pour l’ouverture de la procédure pénale contre la personne qui a commis un acte contre une société commerciale (article 23 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie).
2) Lors de l’examen de la question de la poursuite pénale :
– la possibilité de rendre un jugement sans passer par la procédure d’enquête si l’accusé est d’accord avec l’accusation (article 40 du Code de procédure pénale)[6] ;
– le droit des parties de faire appel, de se pourvoir en cassation ou de recourir à la procédure de révision.
3) La victime d’un préjudice matériel ou moral a le droit soit de se constituer partie civile dans un procès pénal (article 44 du Code de procédure pénale), soit de refuser ce droit (article 44 al. 4 du Code de procédure pénale).
4) Lors de la question de la composition du tribunal et la compétence de la juridiction pénale :
– la personne accusée d’une infraction grave ou très grave a le droit de demander que son affaire soit jugée par un collège composé de trois juges d’un tribunal fédéral de droit commun (article 30 al.2 du Code de procédure pénale) ;
– l’accusé a le droit (pour une infraction prévue à l’al. 3 de l’article 31 du Code de la procédure pénale) de choisir soit la compétence d’une juridiction fédérale de droit commun composée de trois magistrats, soit la compétence d’un juge fédéral d’une juridicition fédérale de droit commun et de 12 jurés (article 30 al.2 du Code de procédure pénale).
5) Lors de la décision de clôture de la procédure pénale et de la poursuite pénale :
– la réconciliation entre la victime et l’accusé en cas d’accusation ayant un caractère privé[7] (article 20 al.2 du Code de procédure pénale) ;
– la réconciliation entre la victime et l’accusé en cas d’accusation ayant un caractère public, mais seulement pour les cas prévus dans l’article 25 du Code de procédure pénale ;
– la prise en considération de l’avis de la victime en cas de clôture de la poursuite pénale dans les cas qui ne sont pas liés à la réhabilitation (article 24 al.1 sous-points 3 et 6 ; article 24 ; article 26 ; article 27 al.1 sous-points 3, 6 à 8 ; articles 28 et 427 du Code de procédure pénale)[8].
La liste des exemples de libre disposition ne s’arrête pas à cela, il serait encore possible de la compléter. De notre point de vue, les exemples les plus évidents sont ceux de l’accusation privée[9] et l’action civile.
La question de la libre disposition dans la procédure d’appel présente un intérêt renouvelé depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2013 de la modification du régime d’examen des affaires pénales en deuxième instance, en particulier l’apparition du principe de libre disposition dans la procédure d’appel. D’après l’article 44 al. 2 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, l’action civile est possible une fois que l’action pénale est engagée et avant que l’enquête judiciaire en première instance ne soit terminée. Ainsi l’action civile n’est pas prévue en deuxième instance. D’après l’article 44 al. 4 du Code de procédure pénale, la partie civile a le droit de prendre connaissance du dossier de l’audience et de faire des remarques, de contester des actions, des inactions et des décisions de l’enquêteur, du Procureur et du tribunal. De plus, la partie civile a le droit de contester la condamnation, les décisions du tribunal et le jugement au fond, dans les éléments qui concernent l’action civile. Cela signifie-t-il que la partie civile n’a pas le droit de contester le jugement du tribunal concernant ses remarques sur le procès verbal de l’audience ? Il semblerait que ce doit lui soit attribué. Les arguments du recours de contestation du procès verbal d’audience sont spécifiés, évidemment, dans le recours en appel et sont examinés par le tribunal en même temps que la décision. Cette situation donne l’impression que le procès verbal d’audience est un élément de la décision finale. Or, la décision concernant l’examen des remarques sur le procès verbal d’audience est une décision intermédiaire et la pratique judiciaire concernant l’examen de l’appel en même temps que les décisions définitives des contestations de procès verbal d’instance est essentiellement fondée sur l’intérêt de ne pas conduire d’audiences supplémentaires et de pouvoir préparer en même temps et la décision définitive et le procès verbal d’audience. Pour autant, il faut noter que ces deux actes sont préparés par des acteurs différents du procès pénal : la décision finale par le juge et le procès verbal par le greffier, le juge par sa signature ne fait que valider son authenticité.
De plus, le droit inaliénable et fondamental de la partie civile est le droit de renoncer à ses demandes, même en cas de procédure d’appel. D’après l’article 44 al. 5 du code de procédure pénal, cette renonciation peut être effectuée par la partie civile à tout moment de la procédure, mais avant que le juge ne se retire dans la salle de délibération. La renonciation à l’action civile arrête la procédure civile. Sans doute, la victime a plus de marge d’appréciation en ce qui concerne ses prétentions, en comparaison avec la victime qui n’a pas le droit de renoncer à l’accusation et qui peut seulement donner son avis. En revanche, la victime peut, en même temps, être partie civile d’après l’article 42 al. 4 du Code de procédure pénal de la Fédération de Russie. Dans cette situation, les « frontières » quelque peu élargies de la libre disposition concernent seulement son statut de partie civile, même dans la procédure d’appel.
D’après l’article 271 al. 1 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, le juge a obligation de demander aux parties avant l’audience si elles souhaitent faire appel à de nouveaux témoins, experts et spécialistes, demander des preuves et des documents, éliminer les preuves qui ont été acquises en violation du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie. Peut-on estimer que la liste de ces moyens de procédure auxquels à le droit une partie au procès s’arrête à cela ? Il semblerait que non. Sans doute, à cette étape de la procédure, les parties ont le droit à toutes les actions possibles et le tribunal a l’obligation de les examiner et d’y donner suite si cela entre dans le champs de ses compétences. Par exemple, en ce qui concerne l’annulation, l’application ou le changement des mesures de coercition prises à l’encontre de l’accusé. L’article 111 du Code de la procédure pénale de la Fédération de Russie prévoit le droit du juge à l’application de mesures coercitives. Cela veut dire que les parties ont le droit de demander leur application même lors de la procédure d’appel.
Dans le cadre de cette publication, il est particulièrement intéressant d’aborder la question du pouvoir du juge d’appel d’examiner la demande d’une personne physique morale concernant leur droit à se constituer partie civile si cette demande a été déjà formulée lors de la première instance mais n’a pas été satisfaite. Selon l’article 389.13 – alinéa 1 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, la procédure pénale dans la Cour d’appel se déroule selon le régime prévu par les chapitres 35-39 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, c’est-à-dire, en application des règles prévues pour le tribunal de première instance avec les dérogations prévues par le chapitre 45.1 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie. Le refus de reconnaître le droit de se constituer partie civile et, comme conséquence, le refus de l’introduction de l’action civile est une ordonnance pouvant être contestée indépendamment du jugement au principal, avant la prise de la décision finale. Or, il existe de situations dans lesquelles la décision finale est rendue assez rapidement, par exemple, en deux- trois jours après le début du procès. Dans ce cas, il est, de fait, impossible de contester le refus du juge de reconnaître le droit de se constituer partie civile séparamment de la décision finale et les deux actes seront contestés en même temps. Ce recours peut être admis par le juge de la Cour d’appel. Cela veut dire que la Cour d’appel a le droit d’examiner et le requête de constitution de partie civile et la décision au fond.
Lors de l’examen de l’accusation privée par le juge de paix, les limites du principe de libre disposition appliqué à la victime, qui est en même temps accusateur privé, sont beaucoup plus larges que lors de l’examen de l’affaire dans le cadre d’une accusation publique ou publique-privée. L’élargissement des frontières du principe de libre disposition concerne et le réexamen de l’affaire de l’accusation privée et l’appel devant la cour de district. Sans requête de la victime, l’action pénale ne peut être engagée (art. 20 alinéa 2 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie). La victime construit l’accusation de façon autonome, sans participation de l’état, elle fournie les preuves et a le droit de modifier l’accusation (art. 321 alinéas 4 et 5 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie). La victime a également le droit de renoncer à son action sans en expliquer les motifs, mais avant que le juge ne parte dans la salle de délibération (art. 321 alinéa 5 du Code de procédure pénale de le Fédération de Russie). A la différence de cela, dans le cadre de l’accusation publique ou publique-privée, le Procureur a l’obligation de préciser les motifs du refus sur le fondement de l’art. 246 al. 7 du Code de procédure pénale et ce refus ne peut être arbitraire. Dans cette situation, la volonté de la victime n’est pas prise en considération. La victime a le droit de se réconcilier avec l’accusé à tout moment de l’enquête (art. 20 alinéa 2 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie). Cette conciliation est possible en dehors des actes et des qualités subjectives de l’accusé. Dans les affaires déclenchées sur le fondement d’une accusation publique ou publique-privée, la conciliation dépend des actes concrets de l’accusé, mais également du type d’infraction. Il peut s’agir de la réparation du préjudice lors de la commission pour la première fois d’une infraction légère ou peu importante (art. 25 du Code pénal de la Fédération de Russie et art. 76 du Code de procédure pénale).
Pour conclure, il faut préciser que lors de l’examen de l’affaire par une juridiction d’appel, le principe de libre disposition est plus particulièrement présent dans le cadre de l’accusation privée et de l’action civile. Dans l’action civile, cela concerne les droits suivants de la partie civile:
- Le retrait de son action sans en expliquer les motifs mais avant que le juge ne se retire dans la salle de délibération ;
- Demander en deuxième instance de se constituer partie civile, si cette demande n’a pas été satisfaite en première instance ;
- Déclencher l’action civile en deuxième instance en cas de refus en première instance.
Dans les affaires déclenchées par l’accusation privée, le principe de libre disposition apparaît dans les cas suivant :
- Le droit de déclencher l’action pénale sans immixtion du Ministère public en déposant une plainte auprès du juge de paix;
- Le droit de renoncer à son action sans en expliquer les motifs et sans prendre en considération l’avis d’une des parties au procès;
- Se réconcilier avec l’accusé sans aucune restriction et sans prise en considération de l’attitude de l’accusé avant et après l’acte qu’il a commis.
BIBLIOGRAPHIE
[1] . Алексеев С.С. Философия права и теория права // Собрание сочинений в десяти томах / том 7.М.: Статут, 2010. С. 337.
2 Idem, P. 341
3 Петрухин И. Л. Публичность и диспозитивность в уголовном процессе [Электронный ресурс]. URL: http://www.juristlib.ru/book_1223.html /(дата обращения: 29.01.2015).
4 Кашанина Т.В. Корпоративное право // Право хозяйственных товариществ и обществ: Учебник. -М.: Норма – Инфра-М, 1999. С. 36–41.
5 А.Н. Козлова, Публичность как принцип уголовного судопроизводства: Автореферат диссертации……… кандидата юридических наук – М.,2007. С. 10
6 Касаткина, С. А. Публичность и диспозитивность в Российском уголовном процессе. Автореферат диссертации …….. кандидата юридических наук : – М.,2002. С. 12
[1] Алексеев С.С. , Философия права и теория права. Собрание сочинений в десяти томах . Tомe 7, Moscou, éditions Статут, 2010. P. 337
[2] Idem, p. 341
[3] Петрухин И. Л. Публичность и диспозитивность в уголовном процессе, version électronnique : http://www.juristlib.ru/book_1223.html
[4] Кашанина Т.В., Корпоративное право. Право хозяйственных товариществ и обществ. Editions Норма – Инфрa, Moscou. 1999. P. 36–41.
[5] А.Н. Козлова, Публичность как принцип уголовного судопроизводства: Автореферат диссертации кандидата юридических наук – М.,2007. С. 10
[6] Cette procédure correspond au plaider coupable en droit français – (note CGFR)
[7] Une accusation ayant un caractère privé vise le cas où la procédure n’est pas déclenchée par le Procureur. (note du traducteur).
[8] Касаткина, С. А., op. cit., p. 12
[9] L’accusation privée est un système d’action pénale privée que l’on retrouve en droit allemand et en droit suisse, selon lequel la victime se voit conférer le droit, pour certaines infractions, de lancer une action spécifique, la plainte privée, à la quelle la pourquite sera subordonnée. Dans ce cas, l’accusateur sera la personne privée. Le procès ressemble alors beaucoup au procès civil et, notamment en cas de réconciliation, la poursuite doit obligatoirement être arrêtée. Voir J. Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, 2008, p. 368. – (note CGFR)
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