Table ronde franco-russe: « Les élections des gouverneurs en Russie : des principes à leur réalisation »
Le 30 octobre 2019, s’est tenue à MGIMO une table ronde sur le thème : « Les élections des gouverneurs en Russie : des principes à leur réalisation », organisée conjointement par l’association Comitas Gentium France-Russie et le Centre de droit constitutionnel de l’Institut des relations internationales auprès du Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie.
Ont présenté leur rapport, Karine Béchet-Golovko, docteur en droit public et présidente de l’association Comitas Gentium France-Russie ; Marie-Elisabeth Baudoin, professeur à Ecole de droit de l’Université Clermont-Auvergne ; Elena Dubrovina, docteur en droit et membre de la Commission centrale électorale de la Fédération de Russie de 1999 à 2016 ; Konstantin Karpenko et Elena Kremianskaya, docteurs en droit, maîtres de conférences au Centre de droit constitutionnel de MGIMO ; ainsi que Ruslan Sedunov, maître de conférences à l’Université russe des transports. Anna Chachkova, professeur à MGIMO, ainsi que Olga Bazina, maître de conférences et Vladimir Tchernoletsky, enseignant, ont pris part à la discussion.
La discussion a porté sur la question de la réalisation des droits électoraux des citoyens, dans le cadre d’une concentration croissante du pouvoir et, de ce fait, des risques d’une transformation des élections en un processus factice. Plus particulièrement, les participants ont particulièrement mis l’accent sur le faible taux de participation des électeurs, sur l’importance de la question de la légitimité des pouvoirs régionaux, sur la faiblesse du système des partis politiques, sur les aspects organisationnels du processus électoral, sur la place et le rôle de la commission centrale électorale dans ce système et également sur la question de la participation de certains groupes spécifiques de citoyens aux élections, comme les militaires, et aux élections dans certaines régions spécifiques, comme le Caucase et la Crimée.
Marie-Elisabeth Baudoin, professeur, École de droit de l’Université Clermont-Auvergne, est intervenue sur le thème de «L’évolution du système d’accès aux fonctions de gouverneur en Russie», insistant sur l’importance de trouver un équilibre en la défense de l’unité de l’État et l’exigence d’un élargissement de la démocratie locale. Madame le Professeur Baudoin a également souligné que la nomination des gouverneurs entraîne une baisse de la légitimité du pouvoir régional, quand leur élection, à l’inverse participe des mécanismes de démocratisation de la société et de l’État, dans le développement de la culture politique.
Karine Béchet-Golovko, docteur en droit, présidente de l’association Comitas Gentium France-Russie, est intervenue sur «La question de l’accès aux fonctions et la responsabilité des gouverneurs», distinguant la responsabilité juridique de la responsabilité politique. Dans le premier cas, le Président de la Fédération de Russie intervient comme garant de la Constitution en pouvant démettre de leurs fonctions les gouverneurs, sur le fondement d’une décision de justice. En revanche, la responsabilité politique des gouverneurs concrétisée par la pratique consistant à les démettre de leurs fonctions peu avant les élections et de nommer par intérim le futur candidat dans le but d’atteindre le résultat politique voulu, est en soi une violation des droits électoraux des citoyens, puisqu’elle remet en cause le choix fait par les électeurs.
Elena Dubrovina, docteur en droit, membre de la Commission centrale électorale de la Fédération de Russie (1999-2016), est intervenue sur «La réforme de l’institution du soutien du dépôt des candidatures et l’enregistrement des électeurs» et a donné un aperçu des principaux, à son avis, problèmes dans l’organisation et le déroulement du processus électoral. Selon l’opinion du rapporteur, le plus grand défaut du système électoral consiste en sa trop grande complexité et l’inefficacité de certaines procédures, ce qui peut conduireà rendre difficile la participation aux élections de certains candidats, sur des fondements dont l’objectivité prête parfois à discussion.
Konstantin Karpenko, docteur en droit, maître de conférences au Centre de droit constitutionnel de MGIMO,quiest intervenu sur «Le rôle de la Commission centrale électorale dans le contrôle de la légalité du processus électoral», a soulevé les questions de la composition et de la fonction normative de la Commission centrale électorale. Le rapporteur a notamment souligné la nécessité de la diversification des autorités de nomination des membres de la Commission, en plus du Président de la Fédération de Russie, du président du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement) et du président de la Douma (chambre basse du Parlement), ce qui rendrait la Commission plus indépendante et renforcerait sa légitimité, autant que celle du processus électoral. Quant à la fonction normative de la Commission, elle nécessite un réel encadrement juridique, afin d’éviter tout risque de dépassement.
Ruslan Sedunov, maître de conférences à l’Université russe des transports, s’est prononcé que la question de «La participation des militaires au processus électoral» et a soulevé la question délicate de la difficulté de leur organisation et déroulement au sein de l’armée. L’un des principaux problèmes, à son point de vue, est l’interdiction de la propagande politique au sein des forces armées, alors que les militaires possèdent un droit d’élire plein et entier.
Elena Kremianskaya, docteur en droit, maître de conférences au Centre de droit constitutionnel de MGIMOs’est prononcée sur «Les élections dans la ville de Sébastopol et de la République fédérée de Crimée en 2019» et a souligné un certains nombres de spécificités locales intéressantes. Elle s’est également prononcée sur la baisse de la participation de la population locale à ces élections, par rapport aux précédentes.
D’une manière générale, les participants à la table ronde sur l’élection des gouverneurs dans la Fédération de Russie sont arrivés à un accord sur le caractère fondamental du lien entre, d’une part, l’existence d’un processus électoral permettant de faire émerger dans les structures de pouvoir, locales ou fédérales, la diversité réelle du paysage politique social et, d’autre part, la légitimité de l’État, qui, ainsi renforcé, permet de garantir la stabilité du pays. En ce sens, seul le renforcement de la culture politique et un éloignement par rapport au culte récent du management permettrait de restaurer les conditions à une vie politique dynamique.
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