Le(s) tournant(s) de la Vème Republique
En 2017, la Vème République négocie un nouveau tournant. Elle le fait d’abord dans un contexte particulier puisque, tout le monde l’a presque oublié – et c’est grave – c’est la première fois qu’une élection présidentielle se déroule sous l’empire de l’état d’urgence. Elle va le faire ensuite avec un personnel politique profondément renouvelé puisque les grandes figures qui ont animé la vie politique ont été éliminées et que les deux grands partis politiques qui dominaient le jeu parlementaire sont en crise. Il faut ajouter que plus d’une centaine de députés sortants ont annoncé qu’ils ne se représenteraient pas ; que, de ce fait et du fait également de la victoire attendue des candidats d’En marche et du Front national, le nombre de primo-députés sera très important ; que, quelque soit le candidat élu, le gouvernement sera composé de personnalités nouvelles. D’une certaine manière, la situation actuelle ressemble à celle de 1958 où la prise de pouvoir par le général de Gaulle s’est accompagnée de la mise à la retraite forcée d’une grande partie de la classe politique de la IVème République.
Si, comme tous les autres tournants, celui-ci se négocie à l’occasion d’une élection présidentielle, il ne débouchera sur une autre voie, comme tous les tournants précédents, que par les élections législatives. De quelque manière de tourner les choses, un président n’est rien sans majorité personnelle à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, Mitterrand a dissous en 1981 et 1988 pour construire « sa » majorité ; c’est pourquoi, Giscard d’Estaing a raté son septennat, que Chirac a laissé le pouvoir à Jospin de 1997 à 2002 et qu’Hollande s’est heurté dès son élection à une majorité construite par et pour Martine Aubry.
En l’état du rapport des forces électorales mettant quatre mouvements politiques autour de 20%, il est peu probable que le futur président ait une majorité personnelle semblable à celle qu’avait pu construire Nicolas Sarkozy en 2007. Ainsi, non seulement l’Assemblée nationale sera composée de nouveaux députés mais encore elle comportera des groupes politiques – républicain, socialiste, macronniste, centriste, communiste, insoumis, écologiste, lepeniste – indépendants de la personne du président de la République. Dès lors, trois personnages politiques peuvent surgir de ce tournant : le président du groupe, qui tiendra ses troupes ; le premier ministre, qui devra construire des alliances entre ces différents groupes ; et le président de l’Assemblée nationale, qui devra orchestrer cette nouvelle harmonie politique.
Et ce tournant reconduirait la Vème République à son origine oubliée, celle où le président est un arbitre et le premier ministre un capitaine.
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