La Constitution russe de 1993 et son influence sur le développement de la législation sur la contentieux administratif
La Constitution de 1993 et son influence sur la doctrine et la législation, la nouvelle prise de consience de la nécessité d’une justice administrative autonome et son inscription dans la loi constitutionnelle fédérale sur le système judiciaire dès 1996.
La raison fondamentale et en même temps le facteur positif plus important de développement de la justice administrative en Russie est la norme contenue dans la Constitution du 12 décembre 1993 à l’article 118 point 2, selon laquelle : « Le pouvoir judiciaire est réalisé au moyen du contentieux constitutionnel, civil, administratif et pénal ». De cette manière, pour la première fois, le terme de contentieux administratif (ou de procédure administrative) est apparu dans la législation russe. Pour autant, et même aujourd’hui encore, 20 après l’adoption de la Constitution, les discussions concernant la signification concrète de cette norme n’en finissent pas.
L’institution de la justice administrative est étroitement liée avec l’institution de la défense juridique des droits de l’homme, ainsi qu’avec les organes juridictionnels garantissant cette défense. Dans la Constitution russe, une valeur particulière, supérieure, a été reconnue aux droits et libertés publiques ; leur garantie étatique est assurée par la justice (art. 2, 18 et 45 de la Constitution). Le droit d’ester en justice pour défendre les droits et libertés publiques est prévu à l’article 46 de la Constitution et se caractérise de la manière suivante :
- Ce droit est garanti à toute personne (citoyen de la Fédération de Russie, étranger, apatride) et à leur groupement ;
- Dans le but de défendre les droits et libertés publiques devant la justice, il est possible de contester les actes et les actions de n’importe quel organe public de la Fédération de Russie, des Sujets[1] de la Fédération de Russie, des organes de l’auto-administration locale, des organisations sociales, des fonctionnaires publics fédéraux, locaux et des municipalités ;
- Le droit d’ester en justice doit être garanti devant toutes les juridictions actuellement existantes[2]: la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie[3], les juridictions de droit commun[4], les juridictions d’arbitrage[5][6], les cours militaires[7].
La loi constitutionnelle fédérale du 7 février 2011 n°1-FKZ sur les juridictions de droit commun de la Fédération de Russie prévoit la possibilité d’établir des juridictions spécialisées dans le système des juridictions fédérales de droit commun. Leurs compétences, leur composition et leur sphère d’activité doivent être établis par une loi constitutionnelle fédérale. En décembre 2011, dans le système des juridictions d’arbitrage ont été créées des juridictions spéciales d’arbitrage, les tribunaux pour les droits de propriété intellectuelle, qui examinent en première instance et en cassation les recours concernant le droit de la propriété intellectuelle[8]. Une loi particulièrement importante règlemente le droit à l’information dans le cadre du système judiciaire, la loi fédérale du 22 décembre 2008 n°262-FZ garantissant l’accès à l’information sur l’activité des cours de la Fédération de Russie.
Ce concept instauré par la Constitution de 1993 a permis d’actualiser les activités de recherche concernant tant le contenu de l’institution du contentieux administratif (de la procédure administrative), que le développement de nouvelles directions d’évolution de la justice administrative en Russie. Les scénari de réforme de la justice administrative qui existaient à l’époque et le niveau doctrinal alors atteint de la compréhension de ce que signifie la défense juridique des droits et libertés correspondaient à l’idéologie du développement complexe de la justice administrative et d’une compréhension unique de ce que constitue le contentieux administratif.[9] Ainsi, le contrôle juridictionnel de la gestion publique, le contentieux de la légalité, la contestation en justice des actes normatifs et non normatifs des organes de l’exécutif et de l’auto-administration locale sont devenus les thèmes principaux de l’analyse du contentieux administratif. La justice administrative s’est alors développée dans le mouvement d’une nouvelle législation processuelle et d’un nouveau regard porté sur elle, tant du point de vue de la théorie, que de la pratique ou de la politique.
L’établissement dans le système judiciaire russe d’une justice administrative spécialisée est l’enjeu fondamental posé aujourd’hui devant nous par la Constitution de 1993 et par la loi fédérale constitutionnelle sur le système judiciaire du 31 décembre 1996, dont l’art. 4 point 2 établie que, en Russie, existent des cours fédérales, des cours constitutionnelles (ou statutaires[10]) et de proximité des Sujets de la Fédération de Russie, qui constitue le système judiciaire russe. Ici, il est important de souligner, que le législateur a inclu dans ce texte de loi une norme concernant les juridictions spécialisées, faisant partie du système des juridictions de droit commun. Cette disposition est absolument nécessaire, dans la mesure où le pouvoir judiciaire doit assurer différentes formes de contentieux, notamment le contentieux administratif. En conséquence de quoi, il est possible de créer les juridictions nécessaires à assurer ces types de contentieux. L’art. 26 de la loi sur le système judiciaire de la Fédération de Russie détermine le régime de création des juridictions fédérales spécialisées pour l’examen des recours concernant les affaires administratives. Les partisans de cette idée sont alors en droit de soulever cette question : pourquoi le législateur a prévu la possibilité de juridictions spécialisées administratives dans une loi aussi importante et dès 1996 ? D’autant plus que cette norme est apparue dès la première rédaction de la loi, autrement dit au moment de l’adoption de sa rédaction originelle. Et ce, alors que d’autres juridictions, comme les cours de cassation d’arbitrage ou les cours d’appel furent créées plus tard, lors de modifications de la loi établissant le système judiciaire du pays.
L’intérêt présenté tant par les chercheurs que par les praticiens du droit (juges, auxiliaires de justice, procureurs) pour les problèmes de la justice administrative au début des années 90 reposait sur les aspects suivants :
- Garantir une défense en justice efficace des droits et libertés des citoyens face aux actions et décisions des organes publics et de leurs fonctionnaires ;
- Donner les conditions pour l’établissement de la supériorité du droit en ce qui concerne l’activité de l’administration publique, des fonctionnaires fédéraux et locaux ; mettre en place les prémices et fondements d’un système efficace de gouvernance publique ;
- Souligner l’importance de la justice administrative dans la réforme en cours du droit administratif russe ;
- La précision des positions théoriques concernant le contentieux administratif, la procédure administrative et les procédures devant l’administration (processus de gestion) ;
- Le développement de la législation processuelle russe (adoption en 2001 du Code des infractions administratives, du Code de procédure d’arbitrage et du Code de procédure civile) ;
- Conduite de la réforme du système judiciaire (débutée en 1992) ;
- La préparation de propositions visant à l’amélioration de la pratique de l’organisation et du fonctionnement du contentieux administratif ; la détermination de nouvelles tendances de réforme.
[1] Les Sujets de la Fédération de Russie sont les entités fédérées. – note du traducteur.
[2] Un projet de réforme d’initiative présidentielle est actuellement en discussion à la Douma et vise à la fusion des juridictions civiles et commerciales supérieures au sein d’une seule Cour suprême. – note du traducteur.
[3] Loi constitutionnelle fédérale du 21 juillet 1994 n°1-FKZ sur la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie
[4] Loi constitutionnelle fédérale du 7 février 2011 n°1-FKZ sur les juridictions de droit commun de la Fédération de Russie
[5] Les juridictions d’arbitrages, dans le sens russe du terme, renvoient à des organes juridictionnels compétents pour examiner les recours en matière économique. Ce sont en quelque sorte les tribunaux de commerce français, mais qui dépendraient en dernière instance d’une Cour supérieure spécifique, ici la Cour supérieure d’arbitrage. – note du traducteur.
[6] Loi constitutionnelle fédérale du 28 avril 1995 n°1-FKZ sur les juridictions d’arbitrages de la Fédération de Russie.
[7] Loi constitutionnelle fédérale du 23 juin 1999 n°1-FKZ sur les juridictions militaires de la Fédération de Russie.
[8] Loi constitutionnelle fédérale du 6 décembre 2011 n°4-FKZ portant modification de la loi constitutionnelle fédérale sur le système judiciaire de la Fédération de Russie et de la loi constitutionnelle fédérale sur les juridictions d’arbitrage de la Fédération de Russie liée à la création dans le système des juridictions d’arbitrage d’une Cour pour les droits de la propriété intellectuelle.
[9] Voir Старилов Ю.Н. Административная юстиция: Проблемы теории. Воронеж: Изд-во ВГУ, 1998; Старилов Ю.Н. От административной юстиции к административному судопроизводству /Сер. Юбилеи, конференции, форумы. Вып. 1 / Ю.Н. Старилов; Воронеж. гос. ун-т. Воронеж: Изд-во Воронеж. гос. ун-та, 2003; Старилов Ю.Н. Административные суды в России: Новые аргументы «за» и «против» / Под ред. и с предисл. к.ю.н., проф. В.И. Радченко. М.: Норма, 2004.
[10] La différence d’appellation dépend du Sujet de la Fédération. Si celui-ci a une constitution, la cour sera constitutionnelle, s’il a un statut, la cour sera statutaire. – note du traducteur.
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