Les entrepreneurs et les autorités publiques en Russie: politique relationnelle et règlementation juridique
L’auteur analyse les différentes formes de relations entre les entrepreneurs et les autorités en Russie: un partenariat public-privé, le transfert des compétences publiques aux personnes morales, l’autorégulation, l’impact sur le pouvoir. L’expérience d’autres pays est analysée, ainsi que les traditions politiques et juridiques des relations entre les personnes morales et des autorités qui déterminent l’état de la législation moderne. Des mécanismes informels et relativement nouveaux touchant à la protection des droits des entrepreneurs sont ainsi mis en évidence.
La politique est étroitement liée à l’économie. De nombreux projets de développement économique établis par le Gouvernement sont politiquement motivés: un partenariat public-privé, le transfert de la compétence d’autorité aux personnes morales, l’autorégulation. À l’étape de l’adoption de ces projets, les mécanismes juridiques de mise en œuvre ne sont pas toujours élaborés. Ensuite les juristes doivent «se casser la tête». Bien que ces mesures touchent principalement les relations entre les sujets de l’activité d’entreprise, les approches de droit privé ne sont pas suffisantes pour leur évaluation, on a également besoin des approches de droit public. En outre, les mesures de réglementation de l’entreprenariat à connotation politique sont en train de transformer le type même des relations entre les entreprises et le pouvoir à l’intérieur de l’État. Et il n’est pas possible de se passer d’une approche de droit public pour son évaluation.
Les entrepreneurs et les autorités : sujets de relations publiques réglementées par le droit.
En ce qui concerne l’influence de l’État sur l’économie et l’entreprenariat en Russie aujourd’hui, une tendance de «pression» modérée se maintient, bien qu’il existe de nombreux exemples de libéralisation de la législation et de son application pratique. Dans un de ses discours récents, l’Ombudsman pour les droits des entrepreneurs, B. Titov, a déclaré que l’environnement économique concurrentiel dans un État est constitué non par les représentants du business, mais par les représentants du pouvoir. Par conséquent, les règles de comportement des entreprises dépendent de la volonté de l’État et des attentes sociales[2]. Dans ce cas, les autorités ne sont pas seulement des régulateurs de ces relations sociales, mais exercent aussi un contrôle sur le bisness, gèrent les biens publics.
C’est alors que surgissent un certain nombre de questions. Si les autorités entrent dans ces rapports avec leurs organisations subordonnées (entreprises et institutions), est-on en droit de parler de relations entre le business et le pouvoir ? Si ces organisations rendent des services aux entrepreneurs, les affaires contentieuses seront-elles réglées dans le cadre des relations entre le business et le pouvoir ? Il est important de comprendre qui entre en rapport avec qui, afin de déterminer les mécanismes de réglementation et d’application appropriés: il s’agit avant tout de déterminer le recours à des mecanismes de droit public ou de droit privé.
Afin d’institutionnaliser tous les sujets possibles entrant en rapport avec les autorités du côté du business, il est necessaire de déterminer le statut de ces sujets: les buts au moment de la création, les fonctions à ce moment-là, le bénéficiaire des intérêts exprimés. Du côté des autorités, peuvent prendre part à ces relations avec le business : des organismes d’autorégulation, des corporations d’Etat, des organisations à but non lucratif, dont les activités accordent une large place à la réalisation d’un bénéfice.
Ainsi la position du sujet dans les relations entre le business et le pouvoir est déterminé non seulement par sa forme juridique, mais aussi par son rôle à ce moment donné. Les sujets intervenant du côté des autorités ne se limitent pas non plus aux autorités publiques. Les intérêts de l’État dans les relations avec les entrepreneurs peuvent être représentés par ces mêmes organismes d’autorégulation et par les corporations d’État. Au nom du pouvoir, peuvent également intervenir les institutions de développement et les organisations dont une partie du capital statutaire est composé par des biens ressortant de la propriété publique, les organisations qui ont reçu d’une manière déterminée des compétences de puissance publique. Par conséquent un concept juridique informel tel que «le pouvoir» pourrait entrer dans l’usage juridique.
Les traditions politiques et juridiques des relations entre les entrepreneurs et le pouvoir en Russie.
La discussion collective, par la communauté commerciale et industrielle et par l’État, de décisions ressortant de la compétence publique a été utilisée dans l’activité des comités militaro-industriels au cours de la 1ère Guerre Mondiale[3]. La création de partis politiques par des entrepreneurs et l’apparition de certains d’eux à la Douma d’État au début du XXème siècle prouve la loyauté des autorités envers l’activité politique des commerçants et industriels en Russie déjà à cette époque[4]. La formalisation des relations des artisans avec les autorités avait alors eu lieu sur la base des actes adoptés par Pierre le Grand («Règlement ou Statut du magistrat principal» de 1721 et «le Décret d’artel[5]» de 1722). Ils déterminent le statut juridique de ce qui était appelé les «tsunfts» – associations urbaines d’artisans de niveau inférieur (de la deuxième guilde de la population urbaine), dont les membres devaient eux-mêmes trancher des questions relatives à leurs activités sous le contrôle des «aldermanes» (doyens), élus par les membres des tsunfts. L’activité des tsunfts était supervisée par les magistrats de la ville, alors que les tsunfts eux-memes étaient une sorte de syndicat, dans la conception moderne du terme [6].
Il est important de comprendre qu’il n’est pas toujours possible d’appréhender les relations entre le business et le pouvoir dans les différentes périodes de l’histoire russe avec des concepts modernes. Dans les actes du Tsar, de l’Empereur ou du Souverain, la politique économique était réglée dans l’intérêt du trésor, alors que les associations d’entrepreneurs avaient été organisées pour la commodité de l’administration du territoire et de l’exercice de la fonction fiscale. Les décrets de Pierre Ier, de Catherine II et d’Alexandre Ier sur l’élimination du rançonnement et de l’extorsion indiquent que la tradition de corruption en Russie est assez profonde. Déjà au cours de l’autocratie, dans un certain nombre d’actes juridiques, commence à prendre forme l’interdiction aux fonctionnaires d’utiliser leurs responsabilités à des fins différentes de leur emploi, ainsi que des restrictions envers le protectionnisme de parenté dans le service, les liens avec des sociétés privées n’étaient pas autorisés ainsi que de recevoir des cadeaux et des offrandes. Il serait ainsi possible de voir dans la réglementation juridique certaines règles de déontologie des fonctionnaires[7].
Les relations entre les entrepreneurs et les autorités à l’époque soviétique étaient prédeterminées par l’idéologie de la domination, par la politique économique et sociale de l’État soviétique: le monopole d’État sur la propriété, pas d’entrepreneurs en tant que classe sociale. Lors de la période de la nouvelle politique économique (NEP), l’État a autorisé les activités économiques des personnes privées. Dans la doctrine, la nouvelle politique économique est même considérée comme une période de renaissance et de développement de l’entreprenariat en Russie, et on note le recours au partenariat public-privé avec des capitaux étrangers[8].
Les traditions politiques et juridiques des relations des entrepreneurs avec le pouvoir influent sur la législation et la pratique actuelles. On peut observer une forme de semi-régulation d’Etat: quelque chose à donner aux entrepreneurs et en même temps autant à leur reprendre. Actuellement, la politique de l’État dans un certain nombre de domaines sociaux est imprévisible. On note le «silence» de l’État au moment où l’on a besoin d’une régulation juridique appropriée: par exemple dans la régulation des monopoles d’État d’aujourd’hui. Alors que dans le même temps se développe une tendance inverse: une régulation excessive des relations dans les cas où les autorités ont besoin de centraliser et de mettre les entrepreneurs à leurs ordres. À cet égard, la procédure de l’allocation budgétaire des Fonds d’investissement de la Fédération de Russie concernant la mise en œuvre des projets d’infrastructures est par trop formelle. Le développement de l’aspect informel des relations entre le business et le pouvoir peut, pour sa part, être illustré par quelques exemples concrets comme le travail des « approvisionneurs »[9] à l’époque soviétique, les pratiques de corruption dans plusieurs secteurs de l’économie à l’heure actuelle. Le protectionnisme excessif et le paternalisme de l’État conduisaient et conduisent au monopole de l’Etat dans l’économie, à une dépendence des entrepreneurs de la politique de l’État, à la fusion du business avec le pouvoir.
Il est bien évidemment impossible de dire que rien de bon n’a existé dans les relations entre les entrepreneurs et le pouvoir dans l’histoire russe. Il y eut également des tendances politiques et juridiques positives: le protectionnisme de la promotion des biens produits par les fabricants russes, la loyauté des autorités envers le développement des associations professionnelles à but non lucratif d’entrepreneurs et des partis émanant du bloc économique à la fin du XXe siècle. Mais pour évaluer la qualité de la législation russe moderne, comprendre les problèmes de la réglementation juridique et proposer des solutions adéquates, il est nécessaire de porter son attention sur les «aspects» négatifs de ces relations entre les entrepreneurs et le pouvoir.
Partenariat public-privé.
Au sens large, un partenariat entre les entrepreneurs et le pouvoir se réalise sous n’importe quelle forme et dans n’importe quelle sphère (partenariat social, consultations publiques, etc) et se base sur l’interprétation constitutionnelle. Le partenariat est formé sur la base de la confiance mutuelle entre les parties, de leur coopération dans la mise en place et l’application des mesures étatiques de réglementation de l’économie. Les entrepreneurs peuvent compter sur les informations nécessaires à leurs activités, qui sont en la possession des autorités, ainsi que sur la prévisibilité des décisions et des actions (ou de l’inaction) de l’État[10]. Dans le domaine des relations fiscales, par exemple, un des aspects de l’obligation de l’État à faire confiance aux personnes morales réside en la présomption de bonne foi du contribuable [11].
En Russie le partenariat public-privé n’est pas considéré comme une catégorie générale pour désigner toute forme de coopération entre les entrepreneurs et le pouvoir. Des textes réglementaires et des documents-programmes de l’éxecutif lui ont donné une signification étroite. Le partenariat public-privé est devenu un mécanisme économique et juridique d’application. Bien qu’il n’existe pas de loi fédérale sur le partenariat public-privé, la législation régionale et les actes juridiques municipaux reconnaissent ses avantages dans un format de droit public. Actuellement de larges débats sur l’adoption d’une loi fédérale sur le partenariat public-privé sont en cours.
Dans un sens étroit, le partenariat public-privé est caractérisé par la réunion des ressources privées et publiques – municipales et étatiques, pour la réalisation de tâches revêtant un intérêt public, qui n’est possible que dans certains domaines (en sont exlues, par exemple, tout ce qui conerne les compétences exclusives de l’Etat), et sous condition du maintien des fonctions de contrôle (de surveillance) des autorités publiques. Les caractéristiques juridiques du partenariat public-privé sont: la domination d’un régime juridique de droit public pour sa mise en œuvre, mais avec le respect des garanties de la liberté contractuelle; la variété de constructions juridiques qui donnent lieu à ce partenariat; le recours à des actes non seulement normatifs mais aussi individuels comme fondement juridique pour un partenariat spécifique ; ainsi que le développement du partenariat en parallèle à une infrastructure juridique institutionnelle.
L’établissement du format de partenariat public-privé en ce qui concerne certains types de relations publiques permet de choisir correctement les modes de la régulation juridique et d’équilibrer l’utilisation des procédures juridiques ressortant du droit privé et du droit public. Dans un partenariat public-privé, il est nécessaire d’assurer de la même manière les intérêts des entrepreneurs et ceux de l’État. Ainsi du point de vue de la science juridique, le partenariat public-privé est une enveloppe conceptuelle (une fiction juridique), réunissant un certain nombre d’institutions et de mécanismes juridiques qui correspondent aux critères juridiques identifiés des relations entre le business et le pouvoir. Des institutions juridiques de même type (constructions juridiques), qui peuvent recourir à des réglementations juridiques spécifiques, sont regroupées sous cette enveloppe.
Délégation à des personnes morales de compétences et de biens publics.
La délégation de compétences de l’État à des personnes morales exige le recours à certains mécanismes juridiques. On dinstingue dans ces mécanismes, des autorités publiques compétentes à déléguer des compétences publiques, ainsi que l’existence d’exigences envers les personnes morales étant capables d’exercer ces compétences publiques. Les entrepreneurs doivent être avant tout en mesure de le faire, principalement, du point de vue des formes juridiques d’organisation de leur activité – ils doivent être capables d’agir non pas dans un cadre de droit privé, mais de droit public. Cependant le groupement assurant l’autorégulation, en tant que forme d’action très organisée, doit être en mesure d’adopter des normes régulant certains domaines, de les mettre en œuvre, et de prendre sur elle-même des compétences de puissance publique.
Il est important de bien comprendre sur le plan juridique l’objet de la délégation: les fonctions ou les compétences ou les processus de gestion individuels. La doctrine a justement souligné qu’il est possible de déléguer aux personnes morales des compétences ou des processus de gestion individuels comportant un faible degrè d’étaticité[12]. Le mécanisme juridique prévoit les procédures d’execution par les personnes morales des compétences déléguées, leur responsabilité en cas de violation du régime d’exécution et les mesures de contrôle étatiques, car les autorités n’ont pas le droit de se délier totalement de leurs pouvoirs. Le processus lui-même de délégation nécessite une précision juridique: le transfert ou la délégation de compétences ou une habilitation. Ainsi la loi fédérale a attribué certaines compétences publiques à la Corporation étatique[13] de l’énergie atomique «Rosatom». En vertu des lois fédérales, il est permis de déléguer à des personnes morales des compétences en matière de certification, ainsi qu’habilitater des institutions subordonnées à des compétences de l’administration cadastrale.
Le mécanisme juridique de la délégation des pouvoirs de l’État est suffisamment développé dans le droit allemand: il y est possible de distinguer la privatisation organisationnelle, la privatisation fonctionnelle (l’externalisation publique), le transfert absolu des fonctions aux institutions de la société civile et la privatisation de la propriété[14]. D’une certaine manière, l’expérience de l’Allemagne pourrait être utile pour la Russie. En particulier, l’utilisation de contrat de droit public (contrat administratif) comme fondement pour la délégation des compétences de l’État.
Le transfert de la gestion des biens de l’État à des particuliers est un processus assez fréquent en Russie dans le domaine de la culture. Ce transfert doit être réalisé sur la base des contrats de concession et des actes administratifs adoptés par les organes publics. Ces mécanismes juridiques ont été utilisés, par exemple, en ce qui concerne le domaine de «Serednikovo» appartenant à la famille de M. Lermontov dans les faubourgs de Moscou ou encore en ce qui concerne les icônes de la Vierge Protectrice du Musée russe de l’église d’Alexandre Nevsky, située sur le territoire du lotissement «le Lac de la Princesse» dans les faubourgs de Moscou. Dans tous les cas, le processus du transfert était accompagné par la signature des certificats de garantie.
Il ne faut pas confondre les différents formats des relations entre le business et le pouvoir: la délégation de compétences de l’État et le partenariat public-privé. La répartition des moyens budgétaires entre les entrepreneurs par le biais d’organisations spéciales autorisées par l’État (réalisant une fonction de service) est plus proche de la délégation de compétences au regard de la destination de son activité et de sa nature. Par conséquent, dans ce cas, contrairement au partenariat public-privé, on doit principalement utiliser les procédures de droit public.
Par ailleurs, dans la doctrine, on trouve également l’idée selon la quelle le recours au droit privé pour la résolution des tâches d’intérêt public (qui comprennent, par exemple, la gestion des finances publiques) n’est pas acceptable. On ne peut pas déléguer des compétences de l’État à une société anonyme spécialement créée à cet effet. Pour la gestion des finances publiques il est également necessaire de choisir des procedures non de droit privé mais de droit public, dans lesquelles les SA, par exemple, ne peuvent pas participer. Il est difficile d’approuver l’adjoint du ministre des Finances S. Storchak, qui justifie la création d’agences spécialisées auprès du Gouvernement de la Fédération de Russie, pour la gestion des Fonds de réserve et de la Caisse nationale de bien-être[15], ainsi que de la dette publique. Sa position semble peu convaincante lorsqu’il affirme que ces compétences ne peuvent pas être confiées à la Banque centrale et à la Société d’État «la Banque du développement et des affaires économiques extérieures (Vnesheconombank)»[16]. Quel acte juridique détermine le statut de cette agence: une loi fédérale comme dans le cas des entreprises publiques ou un réglement administratif, et quel statut aurait-t-il: celui d’une autorité, d’un conseil auprès de cette autorité ou bien d’une banque auprès de cette autorité? La question reste ouverte.
L’autorégulation comme mécanisme social. La nature juridique des actes d’autorégulation.
La loi fédérale sur les organisations d’autorégulation a déterminé une sphère étroite pour l’autorégulation: tout d’abord, l’économie et l’entreprenariat. Conformément à cette loi, l’autorégulation est l’activité des entreprise ou des professionnels concernant l’élaboration et la détermination des standards et réglementations de leurs activités, ainsi que le contrôle du respect de ces standards et réglementations. Cependant l’autorégulation est possible non seulement dans le domaine de l’économie et de l’entreprenariat. On peut la voir même dans le système de pouvoir: l’autoréglementation des partis politiques, des communautés des juges et des avocats, des collectifs territoriaux publics. Les théoriciens du droit considèrent à juste titre l’autorégulation au sens large comme un mécanisme social pour le réglement des relations publiques dans divers domaines[17]. Du point de vue du droit, son résultat consiste en actes d’autorégulation, qui sont un des types de normes sociales. Dans le même temps, l’approche étroite de la notion d’autorégulation en Russie a une justification idéologique. Premièrement, l’autorégulation est cette même limite d’intervention de l’État dans l’économie, l’application pratique en Russie de la théorie de l’État «minimaliste». Deuxièmement, l’autorégulation des sujets de l’entreprenariat est un des mécanismes de l’exécution de l’idée de la démocratie économique. L’ex-député de la Douma d’État V.S. Pleskachevsky, en particulier, estime que la démocratie dans l’économie et l’entreprenariat est la liberté du choix des modèles de comportement sur le marché, une concurrence réelle, les activités des organisations d’autorégulation, tout ceci pouvant favoriser l’amélioration de la qualité de l’ensemble du système socio-politique[18].
Selon la conception de la réforme russe de l’administration d’État, les organisations d’autorégulation ne peuvent pas être assimilées à des personnes morales et à leurs unions (associations). Comme les organisations d’autorégulation définissent des règles d’accès au marché pour les acteurs, effectuent le contrôle et peuvent mettre en oeuvre certaines mesures de responsabilité, des questions se posent: quelle est la nature sociale et juridique de ces organisations, sont-elles des institutions «para-étatiques» ou purement publiques? La reconnaissance par loi fédérale du statut d’organisation à but non lucratif pour ces organisations d’autorégulation ne répond pas à ces questions. Par ailleurs, il est nécessaire de tenir compte de la pratique « légitime » des relations de caractère public en dehors de la règlementation juridique.
Les organisations d’autoréglementation, fixant les règles d’accès au marché et les normes de comportement, développent réellement la liberté constitutionnelle d’entreprendre et peuvent la limiter. Conformément au point 3. de l’art.55 de la Constitution de la Fédération de Russie, sa restriction n’est possible que sur la base d’une loi fédérale. Par conséquent l’équilibre constitutionnel entre l’autorégulation et la liberté d’entreprendre ne peut être atteint qu’à l’aide de procédures de droit public. La décision de remplacer le mécanisme de régulation étatique par un mécanisme d’autorégulation doit être basée sur une analyse sérieuse de la situation dans chaque domaine particulier de l’entreprenariat et de l’économie: à quel point le marché est en situation de monopole, à quel point est-il organisé pour pouvoir s’autoréguler, à quel point la participation de l’Etat est importante pour assurer la sécurité des citoyens qui sont concernés par les activités des organisations d‘autorégulation ?
La théorie du droit souligne les caractéristiques des actes d’autorégulation qui sont « locaux », corporatifs, internes et liés aux coutumes. Les actes d’autorégulation, comme les sources normatives de droit, sont un ensemble de normes sociales obligatoires pour tout le monde. Les critères de la sécurité juridique (précision, clarté et absence de double sens) devraient être appliquées à ces actes aussi. En outre, il est logique d’appliquer au processus de création des actes d’autorégulation, les exigences qui s’appliquent au processus de création du droit (coordination des intérêts, participation de différents sujets, etc). La loi exige également la résolution des questions suivantes: est-il possible de contester les actes d’autorégulation dans le cadre d’un recours administratif? Devant quelle instance? Selon quel régime? Quelle est la procédure de contestation des actes d’autorégulation devant les tribunaux? Quel type de contrôle reste entre les mains de l’État en ce qui concerne le domaine de l’autorégulation?
Contentieux judiciaire entre les entrepreneurs et les autorités publiques.
Le mécanisme juridique de résolution des conflits entre les representants du business et les autorités publiques comprend diverses formes de protection et de défense du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre: dans le cadre d’un recours administratif, d’un recours la justice (y compris la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie et la Cour européenne des droits de l’homme), au stade pré-judiciaire, etc .
À l’avis des certains experts, le Code pénal de la Fédération de Russie pénalise trop le secteur de l’entreprenariat[19]. La libéralisation est aussi nécessaire pour la procédure pénale, qui prévoit la responsabilité des entrepreneurs. Il a été proposé de modifier l’article 20 du Code de procédure pénale pour un certain nombre de corpus delicti économiques (article 159 à 159.6, 160, 165 du Code pénal), afin que l’engagement des poursuites pénales ne soit possible qu’à la condition d’une requête de la victime ou de son représentant légal.
Actuellement, les mécanismes juridiques de résolution des conflits entre les représentants du business et les autorités publiques se transforment. La faiblesse du système judiciaire et des organes représentants les forces de l’ordre en Russie entraîne le développement de procédures non judiciaires de résolution des conflits entre les entrepreneurs et les autorités publiques. Par décret présidentiel, a été créé un poste d’Ombudsman pour les droits des entrepreneurs. Et il y a déjà des résultats concrets à son activité[20]. Il se développe également des modes informels de résolution des conflits sous forme de rencontres entre les représentants du business et le Président de la Fédération de Russie, avec les fonctionnaires, sous forme de mise à disposition de salles de négociations lors des forums, par le recours à des unions professionnelles. Mais dans quelle mesure ces derniers modes de résolutions des conflits correspondent à l’idée de l’État de droit? La question reste ouverte.
[1]Dans ce travail, ont été utilisés les résultats obtenus au cours du projet № 11-01-0024 «Le business et le pouvoir: les formes constitutionnelles de leurs relations», réalisé dans le cadre du Programme «Fond scientifique de l’École Supérieure d’Economie, Université d’État » en 2012-2013».
[2] http://www.liberal.ru/articles/5926 (en date du 8 novembre 2012).
[3] Voir: Погребенский А.П. Военно-промышленные комитеты // Исторические записки. М., 1941. № 11. С.160-200, Юрий М.Ф. Буржуазные военно-общественные организации в Первую мировую войну. М., 1990.
[4] Voir: Голубев С.А. Российский бизнес в начале XX века: политические настроение и экономические ожидания // Российская государственность: история и современность. – М.: РАЕН, 2007. С.343-347.
[5] L’artel est une organisation professionnelle, souvent utilisée à l’époque pour les corps professionnels d’ingénieurs. – note du traducteur.
[6] Voir: Любутов Н.А. Конституционное право граждан на объединение: правовая природа и механизм реализации. Дисс… к.ю.н. М., 2011. С. 29.
[7] Voir: Указ Сената о воспрещении приносить подарки Начальникам Губерний и другим чиновникам, от 10 марта 1812 г., Указ Сената о воспрещении Начальствующим лицам принимать приношения от обществ, от 9 марта 1832 г., Указ Николая I о назначении в награду Чиновникам, вместо подарков, третнаго, полугодоваго или годоваго жалованья, от 10 октября 1833 г., Свод уставов о службе гражданской // Свод Законов Российской империи: Т.3. Издание 1896 г.
[8] Voir: Балашов А.М. Возрождение и развитие предпринимательства в период нэпа (государственно-частное партнерство с участием иностранного капитала): монография. ТНТ, Старый Оскол, 2012.
[9] Personnel à l’intérieur de la structure concernée qui s’occupe de l’approvisionnement en matériel. – note du traducteur.
[10] Voir: point 4.1. de la décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 23 mars 2004 № 9-P // СЗ РФ. 2004. № 19 (часть 2).
[11] Voir la décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 12 novembre 1998 № 24-P // СЗ РФ. 1998. № 42.
[12] Voir: Глушко Е.К. Административно-правовая природа государственных корпораций // Реформы и право. 2008. № 3. СПС «КонсультантПлюс».
[13] Les corporations étatiques sont une forme d’entreprise publique régies par le droit privé.- note du traducteur.
[14] Voir: Васильева А.Ф. Делегирование государственных функций субъектам частного права // Правоведение. 2008. № 2. С.67.
[15] Cette Caisse a principalement en charge le financement des retraites. – note du traducteur.
[16] Voir: Как управлять резервами // Ведомости. 4 фев. 2013 г. С.6-7.
[17] Voir: Мальцев Г.В. Социальные основания права / Г.В. Мальцев. – М.: Норма. 2007. С.747.
[18] Voir: Le II-ème Forum panrusse des organisations d’autorégulation // site de l’union russe des industriels et des entrepreneurs // http://рспп.рф/announce/view/239 (à la date du: 7 fevrier 2013).
[19] Voir: Уголовная политика в сфере экономики: экспертные оценки. – М.: Фонд «Либеральная миссия», 2011. С.5
[20] Voir : Самохина С. Борис Титов распределил помощников по отраслям // Коммерсант 21 авг. 2012 г. № 154 (4939).
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