La justice administrative et la procédure administrative en Russie après l’adoption de la Constitution de 1993
Comme cela a déjà été souligné, à la suite des premiers débats en Russie sur la nature et les perspectives de développement de la justice administrative (fin du 19e – début du 20e), le Gouvernement temporaire a adopté le Règlement sur les juridictions administratives.
Les résultats de la seconde grande discussion scientifique sur le contenu de la justice administrative russe et ses perspectives de développement sont :
- L’adoption de la loi de la Fédération de Russie sur la contestation en justice des actions et des actes violant les droits et libertés des citoyens du 27 avril 1993 ;
- La préparation du projet de loi constitutionnelle[1] fédérale sur les juridictions administratives dans la Fédération de Russie (2000) et du projet du Code de justice administrative de la Fédération de Russie (2003-2004) ;
- La nouvelle instruction (porutchenie) du Président de la Fédération de Russie du 22 décembre 2012 sur l’obligation d’introduire à la Douma, avant le 1er mars 2013, le projet de Code de justice administrative de la Fédération de Russie; et également l’instruction sur la constitution dans les juridictions de droit commun[2] de chambres du contentieux administratif, compétentes pour examiner les recours des citoyens et des personnes morales contre les décisions et actions des organes du pouvoir public (délai – avant le 1er mars 2013) ;
- La préparation d’ouvrages et d’articles consacrés à la formation d’un modèle russe de justice administrative.
- La loi fédérale du 27 avril 1993 sur sur la contestation en justice des actions et des actes violant les droits et libertés des citoyens : fondement juridique de la justice administrative contemporaine russe
Le 27 avril 1993 a été adoptée la loi fédérale sur la contestation en justice des actions et des actes violant les droits et libertés des citoyens[3] (cette loi est actuellement en vigueur avec certaines modifications). La loi établie que chaque citoyen est en droit de s’adresser à la justice s’il considère que la décision (ou l’action) illégale d’un organe public, d’un organe de l’auto-administration locale, d’un établissement public, d’une entreprise ou de leurs groupements, des groupes sociaux ou des fonctionnaires, des employés de l’Etat ont violé leurs droits et libertés. La responsabilité des employés de l’Etat sera considérée en lien avec leur obligation de reconnaître, respecter et assurer les droits et libertés des individus et des citoyens, conformément à l’article 3 de la loi fédérale du 27 mai 2003 n°58-FZ sur le système du service public de la Fédération de Russie, aux articles 4, 15 et 18 de la loi fédérale du 27 juillet 2004 n°79-FZ sur le service public civile de la Fédération de Russie. En ce qui concerne les employés municipaux, les articles de la loi fédérale sur la contestation en justice des actions et décisions violant les droits et libertés des citoyens peuvent s’appliquer dans les cas où la législation fédérale les assimilent à des fonctionnaires d’Etat.
Dans la catégorie des décisions ou actions illégales d’un organe public, d’un organe de l’auto-administration locale, d’un établissement public, d’une entreprise ou de leurs groupements, des groupes sociaux ou des fonctionnaires, des employés de l’Etat, qui peuvent être contestées en justice, entrent les décisions ou actions, collectives ou individuelles, notamment l’information officielle présentée, ayant servi de fondement à la prise d’une décision ou à la commission d’une action suite à laquelle :
- Les droits et les libertés des citoyens ont été violés ;
- Des obstacles ont été créés à la jouissance par un individu de ses droits et libertés ;
- Une obligation a été illégalement mise à la charge d’un individu ou une responsabilité lui a été illégalement imputée.
Tout citoyen est également en droit d’attaquer en justice l’inaction d’un organe public, d’un organe de l’auto-administration locale, d’un établissement public, d’une entreprise ou de leurs groupements, des groupes sociaux ou des fonctionnaires, des employés de l’Etat si cela a conduit à l’une des trois situations mentionnée plus haut.
Le recours d’un citoyen porté à l’encontre des décisions ou actions illégales d’un organe public, d’un organe de l’auto-administration locale, d’un établissement public, d’une entreprise ou de leurs groupements, des groupes sociaux ou des fonctionnaires, des employés de l’Etat se déroule selon les règles de la procédure civile. Toutefois, il est indispensable de tenir compte des particularités introduites par la loi fédérale sur la contestation en justice des actions et décisions violant les droits et libertés des citoyens. L’obligation processuelle fondamentale, qui pèse sur l’organe public, l’organe de l’auto-administration locale, l’établissement public, l’entreprise ou leurs groupements, les groupes sociaux ou les fonctionnaires, les employés de l’Etat dont les actions ou décisions sont contestées, est de prouver par la production de documents écrits la légalité de leurs décisions ou actions. Pour sa part, le requérant est obligé d’établir la violation de ses droits et libertés. Si le recours est considéré par la justice comme fondé, dans ce cas l’action (ou la décision) est déclarée illégale. La cour donne suite alors aux demandes formulées par le requérant, annule les mesures de responsabilité prises à son encontre et prend toutes les mesures nécessaires pour le rétabli dans ses droits.
A cette époque, les arrêtés du Plenum[4] pris par la Cour suprême et par la Cour supérieur d’arbitrage ont joué un rôle fondamental pour la garantie de la défense judiciaire des droits et libertés[5]. En ce sens, l’arrêté du Plenum de la Cour suprême du 21 décembre 1993 sur l’examen par les tribunaux des recours concernant les actions illégales violant les droits et libertés des citoyens a permis d’augmenter l’efficacité des juridictions en ce qui concerne les recours individuels en la matière.[6] On y trouve des éclaircissements sur beaucoup de questions soulevées de la pratique judiciaire, mais également une modification de la position défendue lors de l’arrêté du Plenum du 18 novembre 1992 sur la défense en justice des droits des militaires contre les actions illégales des organes et des fonctionnaires de l’armée[7].
Dans les années qui ont suivies, l’activité de la Cour suprême a été clairement orientée vers l’établissement d’une conception encore plus complète de la procédure juridictionnelle administrative et de la création d’une forme processuelle spéciale. Il est bien connu que ces dernières années, dans la pratique judiciaire, certaines questions relatives à la contestation en justice des actes normatifs sont restées irrésolues, voire contradictoires. Le 29 novembre 2007, a été adopté l’arrêté du Plenum de la Cour suprême n° 48 sur la pratique d’examen par les juridictions des recours contestant la validité des actes normatifs en tout ou partie.[8] Dès lors, les juges des tribunaux de droit commun ont un ensemble unique d’exigence et de recommandations concernant le contentieux des actes normatifs. L’arrêté du Plénum de la Cour suprême du n°2 du 10 février 2009 sur la pratique d’examen par les juridictions des recours contre les décisions et les actions (inactions) des organes du pouvoir d’Etat, des organes de l’auto-administration locale, des fonctionnaires, des employés de l’Etat et des employés municipaux fut un autre acte important[9].
Ainsi, les juges des juridictions de droit commun ont tout un ensemble de recommandations sur la manière de traiter correctement et de manière identique le contentieux des actes normatifs et le contentieux des décisions et actions des organes du pouvoir d’Etat, des organes de l’auto-administration locale, des fonctionnaires, des employés de l’Etat et des employés municipaux.
[1] Les lois constitutionnelles, dans le droit russe, correspondent aux lois organiques dans le droit français – note du traducteur.
[2] Le système juridictionnel russe se découpe en juridictions d’arbitrage (juridictions compétentes en matière économique) et juridictions de droit commun, qui ont une compétence de principe en matière civile et pénale. La matière adminsitrative était répartie entre elles en fonction de son lien avec la matière économique. – note du traducteur.
[3] Voir Ведомости Съезда народных депутатов Российской Федерации и Верховного Совета Российской Федерации. 1993. № 19. Ст. 685.
[4] Les arrêtés de Plénum sont des actes non judiciaires qui peuvent être pris par les juridictions supérieures de chaque ordre juridictionnel. Il s’agit d’actes d’interprétation de la législation sur une question donnée, qui ont pour but l’uniformisation de la jurisprudence. – note du traducteur.
[5] Voir par exemple l’arrêté de Plenum de la Cour suprême de la Fédération de Russie du 31 octobre 1995 sur quelques questions concernant l’application par les tribunaux de la Constitution de la Fédération de Russie lors de l’exercice de la justice.
[6] Voir Сборник постановлений Пленума Верховного Суда Российской Федерации. 1961-1993. М.: Юрид. лит., 1994. С. 161-167
[7] Idem ; p. 132-133
[8] Voir Рос. газ. — 2007. — 8 дек.
[9] Voir Рос. газ. – 2009. – 18 февр.
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