Le procès administratif et la procédure administrative : débats sur les concepts, la corrélation et la portée juridique
Le développement de la théorie de la justice administrative et de la législation y afférant a entraîné un débat sur le contenu et l’objet du procès administratif, conception particulièrement liée à la notion d’infraction administrative. Ce qui limite le développement de la justice administrative en Russie.
Au cours des 15 dernières années, le développement de la théorie de la justice administrative et de la législation y afférant a entraîné un débat sur le contenu et l’objet du procès administratif. Il convient de noter qu’en Russie, le procès administratif, d’un point de vue doctrinal, n’a pas évolué pendant la majeure partie du XXème siècle, conservant ainsi son caractère le définissant comme une activité procédurale permettant l’examen des affaires concrètes survenant dans la sphère publique. Si à l’avenir cette conception reste dominante, si les chercheurs resteront prisionniers de leurs illusions, formées sur une interprétation erronée unilatérale et globalement incompréhensible du procès administratif russe, alors cette branche essentielle de la justice procédurale en Russie sera alors dépourvue de toute perspective d’avenir positive et appropriée.
La procédure administrative, étant pourtant le moyen juridico-administratif le plus important de garantie et de protection les intérêts publics, n’est pour l’heure définie par aucune norme, ce qui crée des conflits et des ambiguïtés constants au plan théorique. Le développement du droit procédural et de la législation ces dernières années, en Russie, a de nouveau poussé les scientifiques à s’interroger sur le terme de « procédure administrative » qui figure dans la partie 2 de l’article 118 de la Constitution de la Fédération de Russie.
Si l’on analyse les principales lois fédérales russes établissant les formes de procédure judiciaire en Russie, à savoir la procédure constitutionnelle, civile, administrative et pénale, il est alors possible de tirer des conclusions sur la conformité à la terminologie indiquée dans la Constitution des principales catégories processuelles contenues dans la loi constitutionnelle fédérale sur « La Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie » (adoptée par la Douma d’État le 24 juin 1994), dans le Code de procédure civile de la Fédération de Russie (adopté par la Douma d’État le 23 octobre 2002 et entré en vigueur le 1er février 2003), dans le Code de procédure d’arbitrage de la Fédération de Russie (adopté par la Douma d’État le 14 juin 2002 et entré en vigueur à compter du 1er septembre 2002), dans le Code russe des infractions administratives (adopté par la Douma d’État le 20 décembre 2001 et entré en vigueur le 1er juillet 2002) et dans le Code de procédure pénale de la Fédération de Russie (adopté par la douma d’État le 22 novembre 2001 et entré en vigueur le 1er juillet 2002).
La comparaison des dispositions constitutionnelles sur les formes de procédure judiciaire en Russie est importante, principalement, pour déterminer le sens des concepts de « procédure constitutionnelle, civile, administrative et pénale », concepts également fixés par ces mêmes lois et définissant les modalités procédurales. En comparant ces concepts, on peut en conclure que, par exemple, un procès pénal est considéré comme de la « procédure pénale », un procès civil comme de la « procédure civile », la « justice constitutionnelle» ou une « procédure constitutionnelle » sont considérées comme ressortant de la justice constitutionnelle et le procès administratif doit être considéré comme résultant de la procédure administrative.
L’idée principale est que la Constitution de la Fédération de Russie doit établir les concepts qui sont définis et concrétisés dans d’autres lois. Par exemple, la justice constitutionnelle est rendue par la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie en tant qu’organe judiciaire de contrôle constitutionnel. Le terme « procédure constitutionnelle » est souvent utilisé par le législateur dans la Loi constitutionnelle fédérale sur « La cour constitutionnelle de la Fédération de Russie » (par exemple dans les articles 1, 29, 30, 53). On trouve parfois dans cette loi les notions de « procès » ou de « partie au procès » (article 52). Ainsi, le contrôle constitutionnel judiciaire est effectué au moyen de procédures constitutionnelles[1].
Le terme « procédure pénale » figurant au paragraphe 56 de l’article 5 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie décrit la procédure se déroulant avant et lors de la phase judiciaire du procès pénal. Par conséquent, le législateur entend par ce terme non seulement directement le procès pénal ou la procédure pénale dans une affaire criminelle, mais également la procédure pénale depuis l’information concernant l’existence d’une infraction jusqu’au renvoi par le procureur de l’affaire pénale devant le tribunal pour examen au fond. Toutefois, la partie la plus importante, concernant l’exécution elle-même de la jsutice, est l’examen de l’affaire pénale par le tribunal. Ainsi, la procédure qui va de la réception d’une information sur la commission d’une infraciton pénale et se termine par une condamnation ressort de la notion de « procédure pénale ». De plus, le tribunal et le juge sont les sujets principaux et obligés de l’examen d’une l’affaire pénale. Cette activité étatique est également dénommée procès pénal.
Le Code de procédure civile de la Fédération de Russie, ainsi que la Constitution de la Fédération de Russie, font usage de termes tels que « procédure civile », « modalités de procédure civile », « justice civile », « procédure judiciaire » dans le cadre desquels s’organise le procès civil. Autrement dit, la nature du procès civil réside également en l’exécution, par les tribunaux (par exemple, le tribunal de droit commun) de la justice, y compris dans les affaires ressortant du domaine des relations juridico-administratives.
Le Code de procédure civile de la Fédération de Russie ne contient pas de concept de « procédure administrative ». Et nous remarquons immédiatement que des normes quasi-identiques concernant, par exemple, l’objet de la contestation des actes administratifs dans le procès d’arbitrage (conformément aux normes du Code de procédure d’arbitrage de la Fédération de Russie) sont dénommées procédure administrative et ne sont, étonnamment, alors qu’elles ne sont pas considérées comme telles en procédure civile. L’article 5 du Code de procédure civile de la Fédération de Russie stipule que la justice relative aux affaires civiles relevant des tribunaux de droit commun peut uniquement être exécutée par ces derniers selon les règles établies par la législation sur la procédure civile. Conformément au paragraphe 2 de l’article 11 du Code de procédure civile de la Fédération de Russie, le tribunal ayant constaté, lors de la résolution d’une affaire civile, que l’acte normatif ne correspond pas à l’acte normatif ayant une force juridique plus élevée, applique les normes de l’acte ayant la force juridique la plus élevée.
Le Code de la Fédération de Russie relatif aux infractions administratives utilise dans de nombreux articles l’expression « procédure sur les infractions administratives » (partie 4 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie). En revanche, ici, nous ne retrouvons jamais le terme « procédure administrative ». De plus et les buts, tant de la législation sur les infractions administratives (article 1.2 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie) que l’examen des affaires concernant les infractions administratives (article 24.1 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie) s’écartent largement de ceux d’un examen procédural judiciaire et se résument d’une manière générale à la clarification approfondie, exhaustive, objective et opportune des circonstances de chaque affaire portant sur les infractions administratives, à leur résolution en pleine conformité avec la loi, à la garantie de l’exécution du jugement, ainsi qu’à l’identification des causes et des conditions qui contribuent à la perpétration d’infractions administratives.
La doctrine a toujours souligné que le législateur ne définit pas le contenu et la portée de la procédure administrative[2]. On peut se demander ce que , en 1993, lors de l’adoption de la Constitution de la Fédération de Russie, le législateur avait envisagé sous le terme de « procédure administrative ». Peut être cela était-il lié à une vision à long terme de l’évolution de la justice et à la compréhension, déjà, de la nécessité d’un examen judiciaire des affaires administratives. Les auteurs de la Constitution de la Fédération de Russie auraient donc prévu, en 1993, l’utilité d’une forme processuelle administrative qui, avant cela, n’existait pas en Russie ? En analysant la littérature spécialisée, nous pouvons constater que la « nouvelle » théorie sur la justice administrative et la procédure administrative dans la Russie post-soviétique a commencé à prendre forme il y a seulement 10-15 ans, c’est-à-dire précisément au moment où les spécialistes ont actualisé cette terminologie.
Par conséquent, au début des années 1990, l’on entendait par « procédure administrative » soit une procédure sur les infractions administratives, soit tout autre institution procédurale qui définit la justice relative aux affaires administratives, bien que le terme « affaires administratives » en lui-même ne soit pas du tout utilisé. Plus précisément, l’article 126 de la Constitution de la Fédération de Russie contient l’expression « affaires administratives relevant de la compétence des tribunaux de droit commun ». Toutefois, dans ce cas, et de mon point de vue, l’on entend par ce terme affaires relatives aux infractions administratives, bien que, en fin de compte, il soit difficile de croire que le législateur envisageait les termes de « procédure administrative » et « affaires administratives » au moment de la fixation des normes constitutionnelles.
Il semble que, il y a vingt ans, dans l’article 118 de la Constitution de la Fédération de Russie, le législateur russe ait nommé procédure administrative toutes les procédures relatives aux infractions administratives. Toutefois, puisque la législation sectorielle administrative procédurale ne contenait pas ledit terme (et par conséquent, il était difficile d’en comprendre le contenu), on peut également supposer que le législateur envisageait par le terme de « procédure administrative » la procédure découlant des litiges administratifs (de relations publiques). D’ailleurs, l’interprétation équivoque de ce concept n’est pas exclue.
Afin d’éliminer les contradictions et la complexité des « formulations » constitutionnelles, mais également de combler les lacunes de la règlementation législative, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie juge les affaires relatives à la conformité des lois fédérales et autres actes réglementaires de la Constitution de la Fédération de Russie, résout les conflits de compétence, vérifie la constitutionnalité de la loi et adopte des arrêts. Enfin, au sujet du contenu juridique du concept de « procédure administrative », la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, dans l’arrêt du 28 mai 1999 № 9-P relative à « La vérification de la constitutionnalité de la deuxième partie de l’article 266 et du point 3 de la première partie de l’article 267 du Code de la République socialiste fédérative soviétique de Russie sur les infractions administratives en lien avec les plaintes des citoyens…», indique que : la législation relative aux infractions administratives stipule que les tribunaux (les juges), dans le cadre de l’exécution de la procédure administrative, sont dotés des pleins pouvoirs aussi bien pour l’examen des affaires relatives aux infractions administratives et aux responsabilités qui en découlent, que pour le contrôle de la légitimité et du bien-fondé des résolutions relatives à l’application des sanctions administratives prononcées par d’autres organes (fonctionnaires) mandatés à cette fin[3]. Ainsi, dans ce cas, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a confirmé l’hypothèse selon laquelle la norme constitutionnelle de l’article 118 relative à la procédure administrative contient un potentiel contraignant d’un point de vue administratif (délictuel), c’est-à-dire qu’en 1993 la procédure administrative était comprise par le législateur comme une procédure relative aux infractions administratives.
N’oublions pas que la législation actuelle relative aux infractions administratives « ne mentionne » ni n’utilise, en aucun cas, le terme de « procédure juridictionnelle administrative ». L’arrêt de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 12 mai 1998 relative à la vérification de la constitutionnalité des dispositions particulières de la loi de la Fédération de Russie sur « L’utilisation des caisses enregistreuses pour permettre aux citoyens d’effectuer des règlements » du 18 juin 1993 stipule « que la procédure relative à l’examen des actions adoptées, en vertu de dispositions litigieuses, doit être une procédure administrative indépendamment du fait qu’elle soit éppliquée par un tribunal de droit commun ou une cour d’arbitrage »[4]. Dans cet arrêt, on met l’accent sur le terme d’« action », c’est-à-dire que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie rattache ici la procédure administrative aux cas de délits (action). À cet égard, la doctrine propose une différenciation très intéressante de la procédure administrative sous deux formes : a) la juridiction compétente en matière de litiges administratifs (justice administrative) ; b) la juridiction compétente en matière de délits administratifs[5].
[1] Au sujet de la compétence de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie dans le domaine du contrôle normatif, voir exemple : Лазарев Л. Проблемы судебного нормоконтроля в решениях Конституционного Суда РФ //Рос. юстиция. 2001. № 2. С. 8-11; Лучин В.О. Конституция Российской Федерации. Проблемы реализации. М.: ЮНИТИ-ДАНА, 2002. С. 569-599; Невинский В.В. Совершенствование нормоконтроля – задача российских судов //Рос. юрид. журнал. 2003. № 1. С. 22-26.
[2] Voir par exemple : C. Vitsin. De la formation du système judiciaire à sa réforme // Justice russe. 2001. № 4. Page 3
[3] Recueil des législations de la Fédération de Russie. 1999. № 23. Page 2890.
[4] Recueil des législations de la Fédération de Russie. 1998. № 20. Page 2173.
[5] Voir : Zelentsov A. B. Litige administratif juridique : (Approches théoriques méthodologiques de l’analyse) // Jurisprudence. 2000. № 1. Page 70. D. N. parle de deux types de procédures administratives (concernant les infractions administratives et en lien avec la vérification de la légitimité des actes des acteurs des pouvoirs publics). Bakhrakh. Voir : Bakhrakh D. N. La nécessité que les juges se spécialisent, et non les tribunaux//La justice russe. 2003. № 2. Page 10.
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