La copropriété des immeubles bâtis en droit français
- Signification du mot « copropriété » : Dans un sens large, le mot « copropriété » désigne une propriété (mobilière ou immobilière) commune à plusieurs personnes. Lorsque chacun est titulaire d’une quote-part abstraite, on dit qu’il y a indivision. Il existe, par exemple, un régime de copropriété des brevets[1] qui concerne les situations dans lesquelles plusieurs personnes ont, ensemble, mis au point une même invention, et qui n’est rien d’autre qu’une indivision spécialement aménagée.
Dans un sens plus strict, on parle de copropriété des immeubles bâtis pour désigner des immeubles collectifs qui sont divisés de telle manière qu’on y retrouve des parties privatives et des parties communes. Ainsi, chaque copropriétaire a un droit exclusif sur ses parties privatives, mais est en indivision avec l’ensemble des autres copropriétaires sur les parties communes. Autrement dit, « le propriétaire est maître chez lui, mais le toit, les murs, l’escalier, l’ascenseur, le sol de l’immeuble… sont indispensables à la jouissance de tous »[2]. Chacun est en réalité propriétaire d’un lot de copropriété[3], comprenant des prérogatives exclusives sur les parties privatives et une quote-part de parties communes (on parle de tantièmes de parties communes, exprimés sous forme de millièmes ou de dix-millièmes).
Il y a donc un lien entre l’indivision et la copropriété, dans le sens où les copropriétaires sont en indivision sur les parties communes, mais il s’agit d’une indivision spéciale, précisément réglementée, et qui n’obéit pas aux règles du Code civil. En particulier, le principe de précarité de l’indivision, contenu à l’article 815 du Code civil, selon lequel « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision », est expressément exclu en droit de la copropriété des immeubles bâtis. L’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit ainsi que « les parties communes et les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l’objet, séparément des parties privatives, d’une action en partage ni d’une licitation forcée ».
- Éléments historiques du droit de la copropriété : La copropriété s’est développée avec l’habitat collectif, en particulier lors de la reconstruction ayant suivi la Première Guerre Mondiale (auparavant, l’habitat collectif existait mais l’immeuble appartenait souvent à une personne qui louait les appartements). Cependant, elle existait déjà depuis longtemps, en particulier dans des villes comme Grenoble ou Rennes qui ont connu un essor de la copropriété avant la Révolution de 1789.
En 1804, le Code civil ne lui consacra qu’un seul article[4], mettant en place un régime juridique très rudimentaire de la copropriété. La pratique notariale et la jurisprudence durent compléter la loi, en créant et en reconnaissant le règlement de copropriété, le syndicat des copropriétaires, le syndic, la notion de lot et en distinguant les parties communes et les parties privatives…
Le législateur ne s’intéressa à la copropriété que par une loi du 28 juin 1938. Mais cette loi montra vite ses limites. Elle était supplétive et soumettait de trop nombreuses décisions à des votes à l’unanimité. Elle fut remplacée par la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui est toujours aujourd’hui le siège de la matière. Cette loi est impérative. Elle soumet la plupart des travaux à des votes à la majorité, facilitant ainsi la prise de décision et permettant – ce qui était le principal objectif de la loi[5] – de valoriser le patrimoine immobilier français. Cette loi est depuis lors très fréquemment modifiée[6].
- Champ d’application du statut : la loi du 10 juillet 1965 prévoit deux champs d’application au statut de la copropriété : un dans lequel la loi s’applique de manière impérative, et qui est défini par l’article 1er, alinéa 1er; l’autre dans lequel l’application de la loi est supplétive, ce dernier étant défini par l’article 1er, alinéa 2.
3.1 Application impérative du statut : la loi s’applique impérativement à tout immeuble bâti[7] ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes. Il faut donc que l’immeuble soit bâti, qu’il appartienne au moins à deux personnes, et qu’il soit divisé entre des parties privatives et des parties communes. Cette situation correspond parfaitement à l’immeuble vertical, composé de plusieurs étages et contenant plusieurs appartements appartenant à différentes personnes. Elle correspond aussi à l’immeuble horizontal, c’est-à-dire une parcelle unique et indivise sur laquelle seraient construites plusieurs maisons individuelles.
Le statut s’applique de plein droit, dès l’instant où un immeuble correspond à la situation de l’article 1er, alinéa 1er, et ce même s’il n’y a pas de règlement de copropriété. Cela a été très clairement précisé par la Cour de cassation : « le statut de la copropriété s’applique dès lors qu’un immeuble a, selon un état de division, été divisé par étages en au moins deux parties et que les actes de vente respectifs des acquéreurs de chacune des parties de l’immeuble indiquent que la propriété du sol de l’immeuble est indivise, chaque partie disposant d’une propriété d’étage dont elle a la jouissance exclusive et s’engageant à contribuer pour moitié aux frais d’entretien et de réparation du bâtiment ainsi qu’aux travaux de caractère commun. La division ainsi opérée a en effet créé des parties privatives par étages et des parties communes dont certaines, caractérisées par leur extériorité aux parties privatives, ont été énumérées à titre indicatif, la circonstance qu’aucun règlement de copropriété n’ait été établi étant inopérante[8] ».
3.2 Application supplétive du statut : l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit qu’ « à défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs ». L’ensemble immobilier se caractérise par une hétérogénéité des modes d’appropriation du sol[9], juxtaposant des parcelles privatives et des parcelles indivises, reliées entre elles par des services communs ou des éléments d’équipement commun. Ces éléments fédérateurs rendent possible l’existence de l’ensemble, sinon on envisagerait chaque immeuble (chaque parcelle) isolément. On peut dresser une liste non limitative : voirie, aires de stationnement, services de gardiennage et de nettoiement, installations de chauffage, espaces verts, piscines, tennis, salle polyvalente, antenne collective placée sur un terrain commun… L’ensemble immobilier peut, notamment, résulter d’un lotissement.
Dans ces ensembles, le droit de la copropriété ne s’appliquera qu’à défaut de convention contraire. Les propriétaires sont donc libres de prévoir d’autres modes de gestion des éléments communs, comme l’association syndicale libre[10]. Celle-ci peut être propriétaire des éléments communs, elle obéit à des statuts rédigés librement, pouvant prévoir, par exemple, des cotisations n’obéissant pas aux règles de répartition des charges de copropriété[11]. D’autres alternatives s’offrent aux membres de l’ensemble immobilier, comme l’Union de syndicats[12], l’association foncière urbaine[13], ou encore la convention d’indivision[14]
- Distinction des parties privatives et des parties communes : les copropriétaires ont un droit de propriété exclusif sur leurs parties privatives[15] et sont en indivision sur les parties communes. Le règlement de copropriété détermine souvent la qualification des différentes parties de l’immeuble. À défaut, les articles 2 et 3 de la loi permettent de savoir comment opérer la distinction entre les parties privatives et communes, en recourant au critère de l’usage.
4.1 Parties privatives : Selon l’article 2 de la loi de 1965, il s’agit des parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Concrètement, il s’agira des locaux privatifs (appartements, boutiques, bureaux, caves, garages, greniers) et de tout ce qui se situe à l’intérieur de ces locaux, à l’exclusion du gros-œuvre et des canalisations afférentes à des éléments communs.
4.2 Parties communes : il s’agit, selon l’article 3 de la loi de 1965, des parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux. Le texte dresse une liste de ces parties communes. Au sein de celle-ci, on trouve, notamment, le sol, les cours, les parcs et jardins, les voies d’accès, le gros œuvre des bâtiments, les éléments d’équipement commun (parmi lesquels on trouvera, notamment, les ascenseurs, le chauffage collectif, l’eau chaude, etc.), les locaux de service communs (locaux techniques en particulier), les passages, les corridors…
Ces parties communes, qui appartiennent à tous les copropriétaires, sont administrées par le syndicat des copropriétaires.
Elles peuvent, parfois, être réservées à certains copropriétaires, qui auront alors un droit de jouissance exclusif sur certaines parties communes[16].
- Documents de la copropriété : Deux documents essentiels régissent la copropriété : le règlement de copropriété et l’état descriptif de division.
5.1 Le règlement de copropriété : Selon l’article 8, alinéa 1 de la loi de 1965, « un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l’état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l’administration des parties communes ». Il fixe, par ailleurs, la répartition des charges de copropriété. Il permet, enfin, de déterminer la destination de l’immeuble. Si sa qualification juridique est discutée, il est généralement analysé comme un contrat, même si son adoption, comme sa modification, peuvent être obtenus grâce à un vote à la majorité[17].
Le règlement doit être conforme à la loi. Or celle-ci est impérative et minutieuse, si bien que la liberté laissée aux rédacteurs est somme toute réduite. Mais le règlement permet d’adapter la loi à l’immeuble concerné.
Par ailleurs, le règlement ne saurait apporter aux droits des copropriétaires des restrictions qui ne seraient justifiées par la destination de l’immeuble[18]. Les clauses qui contreviendraient à cette règle seraient réputées non écrites.
- 2 : L’état descriptif de division : il s’agit d’un document technique requis pour la publicité foncière. Il permet, en particulier, d’identifier les droits des copropriétaires sur les différentes parties de l’immeuble, et de les rendre opposables aux tiers.
- Organes de la copropriété :
6.1 : Le syndicat de copropriétaires : les copropriétaires, qui sont les propriétaires de l’immeuble (propriétaires exclusifs de leurs parties privatives et propriétaires indivis des parties communes), sont regroupés au sein d’une personne morale originale : le syndicat de copropriétaires. Cette personne morale, qui regroupe nécessairement tous les copropriétaires, existe de plein droit dès lors qu’un immeuble remplit les conditions légales de soumission au statut de la copropriété. Aucune formalité n’est exigée de la part des copropriétaires pour constituer le syndicat. Ainsi, la Cour de cassation a pu récemment estimer que les copropriétaires sont obligatoirement et de plein droit groupés en un syndicat dès lors que la propriété est répartie entre plusieurs personnes en lots comprenant chacun des parties privatives et une quote-part de parties communes. En l’espèce, une maison était divisée en deux lots. Suite à un glissement de terrain, partie commune, un des deux copropriétaires fit des travaux à ses frais, avant d’assigner l’autre en remboursement de sa part. Or il aurait dû assigner non pas l’autre copropriétaire mais le syndicat[19].
L’objet du syndicat est, au titre de l’article 14 de la loi de 1965, la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes.
Le syndicat prend des décisions en assemblée générale. Selon la gravité de la décision à prendre, 4 modalités de vote sont prévues, de la majorité simple à l’unanimité, en passant par la majorité absolue et la majorité qualifiée[20].
Comme toute personne, il est doté d’un patrimoine. Son actif est essentiellement constitué par les avances faites par les copropriétaires. Il peut contracter et engager sa responsabilité. Des dispositions spécifiques régissent les syndicats en difficulté[21].
6.2 Le syndic : il s’agit du représentant du syndicat, de son mandataire. Il va donc agir au nom et pour le compte du syndicat (conclure les contrats, agir en justice, etc.). Il peut s’agir d’un syndic professionnel, soumis à la loi Hoguet du 2 janvier 1970, ou d’un syndic bénévole.
Le syndic est désigné par l’assemblée générale, par un vote à la majorité de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires). Si son mandat est, en principe, à durée déterminée (et d’une durée maximale de 3 ans), il peut être révoqué ad nutum, comme tout mandataire.
Le syndic est généralement présenté comme la « cheville ouvrière » de la copropriété. Il est chargé de faire respecter le règlement et les décisions d’assemblée générale, de faire procéder aux travaux nécessaires et de recouvrer les charges. Sa responsabilité peut facilement être engagée, tant par le syndicat (qui est son mandant) que par les copropriétaires, tiers au contrat.
6.3 Le conseil syndical : il s’agit d’une instance composée d’un petit nombre de copropriétaires ou de personnes proches des copropriétaires (conjoint, partenaire pacsé, usufruitiers…), qui est chargée de surveiller le syndic et de le conseiller. En principe obligatoire, le conseil syndical peut être écarté par les copropriétaires, par un vote à la majorité de l’article 26 (majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix). Dans les petites copropriétés, le conseil syndical est, en effet, inutile. Le conseil syndical élit son président qui est doté de certaines attributions qui pourront, en période de crise, lui permettre de seconder le syndic.
[1] CPI, art. L. 613-30 s.
[2] Ph. Malaurie, L. Aynès, Les biens, Defrénois, 3e éd., 2007, n°700
[3] Sur cette notion, voir F. Givord, Essai sur la nature juridique de la copropriété par appartements, Mélanges Voirin, LGDJ, 1966, p. 262 – F. Givord, C. Giverdon, P. Capoulade, La copropriété, Dalloz Action 2010/2011, n°217 s.
[4] C. civ., art. 664 (réd. L. 30 vent. An XII)
[5] F. Givord, C. Giverdon, P. Capoulade, op. cit. n°13 – J. Foyer, De l’article 664 du Code civil à la loi de 1965, AJDI 2006. 526
[6] Voir en dernier lieu, L. n°2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives
[7] J-M. Roux, L’immeuble bâti et le régime de la copropriété, Loyers et copr. 2008, étude 12.
[8] Cass. 3e civ., 29 mai 2002 ; Bull. civ. 2002, III, n° 113
[9] J. Lafond, La distinction entre groupes d’immeubles et ensembles immobiliers, JCP N 1998. 804
[10] Ord. 2004-632, 1er juill. 2004, relative aux associations syndicales de propriétaires.
[11] Voir ainsi Civ. 3e, 21 sept. 2011, FS-P+B, n°10-18.788
[12] L. n°65-557, 10 juill. 1965, art. 29
[13] C. urb., art. L. 322-1 s.
[14] C. civ., art. 1873-1 s.
[15] L. n°65-557, 10 juill. 1965, art. 2
[16] J.-M. Roux, Le droit de jouissance exclusif des parties communes, Loyers et copr. 2004, étude 9
[17] L. n°65-557, 10 juill. 1965, art. 26, al. 1, b)
[18] L. 10 juill. 1965, art. 8, al. 2
[19] Cass. 3e civ., 11 janv. 2012, n°10-24413
[20] Sur les différentes majorités, cf. art. 24 et s. L. 10 juill. 1965
[21] Art. 29-1 A s. L. 10 juill. 1965
Bonjour, l’interdiction de partager les parties communes “séparément”des parties privatives, ne signifie-t-elle pas à contrario la permission de les partager solidairement avec les parties privatives c’est à dire en tenant compte des tantiémesé un jardin commun peut-il etre partagé entre les copropriétaires selon les tantiémes de chacuné l’unanimité est-elle indispensableé merci