Le Club français de Moscou. «Les élections présidentielles en France de 2022»

Le 27 mai 2022, le Club français de Moscou s’est réuni dans les locaux de la Francothèque, à la bibliothèque de littérature étrangère, pour discuter des élections présidentielles françaises, qui viennent de se tenir.
Ces élections, sans surprise aucune, ont acté la ligne de rupture, qui traverse tant les partis politiques eux-mêmes que la société. Le paysage politique français est ainsi marqué par une dissociation entre la carte réelle des clivages politico-idéologiques, souverainistes / globalistes, et la carte formelle partisane. Pourtant, bien que les partis traditionnels se sont effondrés, le paradigme droite / gauche reste très présent dans l’esprit des gens et dans les réflexes des partis politiques, ce qui empêche l’opposition de dépasser ce clivage et de mettre en place une coalition « souverainiste ». Nous avons ainsi vu la position de Mélenchon. Cette faiblesse marque les limites de l’opposition, Marine Le Pen a fait un très bon score, mais ne peut objectivement prétendre à remporter l’élection présidentielle, dans cette configuration. La figure de Zemmour a soulevé beaucoup de questions : s’il a des convictions, sa vision est décalée des enjeux stratégiques géopolitiques, sur lesquels le pays ne peut faire l’impasse, et in fine il ressemble beaucoup à un projet de technologie politique, permettant à la fois de diviser le clan souverainiste, et de mettre un peu de vie dans une élection jouée d’avance. Même le scandale McKinzey n’a pu influencer la campagne électorale de Macron, qui n’a principalement pas fait campagne, et les débats politiques ont eu un goût de déjà vue, sans véritable substance ni enjeu.
Le contexte international des élections a pesé sur l’ambiance générale, sans pour autant avoir eu un impact fondamental sur les résultats. Les candidats principaux ont tenu un discours uniforme de non-remise en cause de l’appartenance à l’UE, seules les modalités de cette appartenance ont pu présenter des variations. Ainsi, même les candidats étiquettés « souverainistes » ne peuvent penser la France en dehors de l’UE, ce qui est paradoxal, puisque soit l’UE est souveraine (et devient un État) et les États membres ne sont plus alors des États, soit les États membres retrouvent leur souveraineté et leurs rapports doivent être repensés dans un nouveau cadre respectueux de cette souverainté. Ce déficit de souveraineté se voit également dans les rapports de la France à l’OTAN, car si certains parlent d’un renforcement des forces armées nationales dans le contexte actuel, il ne s’agit pas d’un renforcement des forces nationales, pouvant être utilisées pour la défense de l’intérêt national, mais bien dans le cadre de l’OTAN. Ainsi, les structures étatiques, dans cette configuration, ne sont plus que des carcasses institutionnelles, les décisions politiques stratégiques se prenant « ailleurs ». La réélection de Macron, indépendamment des variations possibles de son discours, ne permettra pas de changer cette ligne globaliste en France.
Étrangement, malgré l’omniprésence de la question ukrainienne lors du processus électoral, il semblerait que cela n’ait pas fondamentalement influencé les résultats en eux-mêmes. Elle a permis de renforcer le Président sortant dans son rôle de Chef d’État, de développer l’inclination des peuples, dans ces cas-là, à éviter tout changement radical, mais même sans cela, Macron avait toutes les chances de remporter cette élection.
La discussion a été modérée par Panteleev Sergueï Iurevitch, historien, politologue, directeur de l’Institut des Russes de l’étranger, rédacteur en chef du portail analytique d’information « La Russie et ses compatriotes ».
Ont pris part à la discussion :
- Béchet-Golovko Karine, présidente de l’association CGFR, docteur en droit public, professeur invitée à l’Université d’État de Moscou (Lomonossov) ;
- Bernatsky Roman Kazimirovitch, directeur du Département international de l’Appareil central du parti “Russie Juste” ;
- Burlotte Olivier, représentant du RN en Russie, conseiller consulaire, candidat aux élections législatives 2022 ;
- Clément-Pitiot Hélène, docteur en sciences économiques, HDR, maître de conférences, Université de Cergy Pontoise CY, CEMI (Centre de recherche des modes d’industrialisation) ;
- Dauphiné Philippe, EMLyon, entrepreneur, Chef d’entreprise ;
- Dolo Nicolas, Paris XI Sceaux, ISG Paris, MBA Pace University, AMDP Harvard University, MRSIC École de Guerre Économique, président du Svarog Group à Moscou ;
- Galas Marina Léonidovna, docteur es sciences historiques, professeur, Faculté des sciences sociales et des communications de masse, Université des Finances auprès du Gouvernement de la Fédération de Russie, chercheur en chef du Département de science politique, Directrice du Groupement scientifique et méthodologique pour la migration et les processus démographiques ;
- Golovko Léonid Vitalievitch, docteur es sciences juridiques, professeur, directeur du Centre de procédure pénale et de Justice, Faculté de droit, Université d’État de Moscou (Lomonossov) ;
- Karpenko Konstantin Victorovitch, docteur en droit, maître de conférences, Centre de droit constitutionnel, MGIMO auprès du ministère des Affaires étrangères de Russie ;
- Kourakine Mikhail Borissovitch, rédacteur en chef adjoint du journal « La vie internationale » ;
- Loukianov Evgueny Petrovitch, journaliste, membre de l’Union des journalistes de Russie ;
- Oganesyan Armen Garnikovitch, rédacteur en Chef du journal « La vie internationale », vice-président du Fonds « Politique internationale et ressources ».
- Narotchnitskaya Ekaterina Alekseevna, docteur en sciences historiques, chercheur à l’Institut des études européennes de l’Académie des sciences de Russie, directrice du Centre de recherches et d’analyses du Fonds de perspective historique, rédacteur en chef de la revue Perspektive du Fonds de perspective historique, vice-présidente de l’Institut de la démocratie et de la coopération (Paris);
- Narotchnitskaya Natalia Alekseevna, docteur es sciences historiques, présidente du Fonds analytique de perspective historique, présidente de l’Institut européen de la démocratie et de la coopération (Paris), membre étranger de l’Académie serbe des sciences et des arts ;
- Romanovitch Alexandre Leonidovitch, représentant du président du parti Russie Juste pour les questions internationales, député à la Douma d’État pour la 6e législature.
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