Résumé analytique des arrêts de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie (19/11/2013 – 25/02/2014)
Le résumé analytique a été préparé sur la base des décisions publiées sur le site de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie (www.ksrf.ru)
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Le 19 novembre 2013 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°24-P/2013 dans l’affaire sur le contrôle de la constitutionnalité de l’article 10 du Code pénal de Russie et de plusieurs articles du Code de procédure pénale (№24-П/2013)
La Cour Constitutionnelle a décidé que la fin du procès pénal pour cause de dépénalisation d’une infraction ne peut pas priver une personne du droit de contester la licéité et caractère bien fondé des décisions des organes d’instruction et solliciter sa réhabilitation.
Le contexte de l’affaire
Des poursuites pénales ont été lancées contre les requérants : M. Borovkov a été accusé d’obtention illégale d’un crédit ; et M. Morozov – de la violation des droits d’auteur. Au cours de l’instruction, des amendements ont été introduits dans le Code pénal de Russie et ces infractions ont été dépénalisées. Les requérants, se considérant innocents, ont sollicité leur réhabilitation, mais leurs demandes ont été rejetées par les organes d’instruction et les trubunaux.
Les requérants estiment que les normes contestées permettent de mettre un terme le procès pénal sur un autre fondement que celui de la réhabilitation, sans tenir compte de l’opinion de l’accusé lui-même. En cela, selon les requérants, leur droit à un procès équitable est violé ainsi que la presomption d’innocence, le droit à la réhabilitation et le droit à l’indemnisation du dommage causé par des poursuites pénales illégales.
La position de la Cour Constitutionnelle
La cessation des poursuites pénales fondée sur la dépénalisation d’une infraction ne donne pas droit à la réhabilitation de la personne, dont l’affaire pénale prend fin sur ce fondement.
En vertu des normes contestées, une personne n’étant pas d’accord avec la cessation du procès pénal en raison de la dépénalisation de l’infraction, se trouve privée de la possibilité de faire appel des actes des organes d’instruction adoptés au cours de la poursuite pénale. Donc l’absence de mécanisme de contrôle de la licéité et du bien-fondé de ces actes prive la personne du droit à la réhabilitation. En ce sens, les normes contesteés ne sont pas conformes à la Constitution.
Le législateur fédéral est obligé de porter des amendements à la législation en accordance avec l’arrêt présent.
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Le 2 décembre la Cour Constitutionnelle de Russie a adopté l’arrêt N°26-P/2013 dans l’affaire sur le contrôle de la constitutionnalité de l’article 4 (paragraphe 2) de la Loi de la Région de Tchelyabinsk «Sur l’impôt de transport» (№26-П/2013)
Par son arrêt, la Cour Constitutionnelle a confirmé le droit du législateur régional de réglementer les privilèges concernant l’impôt de transport pour les retraités.
Cette affaire présente un rare exemple de saisine de la Cour Constitutionnelle ayant pour but de faire reconnaître une norme conforme à la Constitution. La norme contestée établit des privilèges pour les retraités et les familles nombreuses en ce qui concerne le paiement de l’impôt de transport. Les privilèges concernent les propriétaires des véhicules ayant une puissance de moins de 150 chevaux. La norme est en vigueur depuis 1er janvier 2009, tandis qu’avant le droit au privilège n’étant pas limité par la puissance du moteur.
La norme en question a été contestée devant un tribunal ordinaire de la région, qui a statué sur sa conformité à la législation fédérale.[1] Néanmoins, plus tard, la Cour statutaire[2] de la Région de Tchelyabinsk a reconnu la disposition en question non-conforme au Statut (Loi fondamentale) de la Région de Tchelyabinsk.[3] La Cour statutaire s’est fondée sur le fait que le législateur régional a désavoué ses obligations dans le domaine de la sécurité sociale de la population, et la restriction du privilège fiscal ne fut pas suivi par le maintien du niveau atteint de la protection sociale des retraîtés.
La position de la Cour Constitutionnelle
Selon le Code Fiscal de Russie, l’impôt de transport est un impôt régional. Le législateur du Sujet de la Fédération de Russie (entité consitutive) détermine de manière autonome le taux de l’impôt, la procédure et les délais de son paiement, ainsi que les priviléges fiscaux et les fondements pour leur utilisation par le contribuable.
Les amendements à la Loi de la Région de Tchelyabinsk, en ce qui concerne les conditions d’octroi aux retraités du privilège envisagé préalablement, ont été introduits afin de renforcer son caractère ciblé. En faisant cela, le législateur du Sujet de la Fédération de Russie a agit dans les limites de son pouvoir discrétionnaire et ainsi ces changements apportés à la réglementation juridique de la question ne peuvent pas être considérés comme abaissant le niveau stipulé de la protection sociale des retraités. Par conséquent, la disposition contestée est conforme à la Constitution, ne perd pas sa force juridique et doit être appliquée par les tribunaux, les autres autorités compétentes et les fonctionnaires.
Pour aller plus loin …
Une des questions centrales dans cette affaire concernait la corrélation de la compétence de la Cour statutaire de la région et de la Cour Constitutionnelle de la Russie. La Cour statutaire s’est prononcé pour la non-conformité de la norme au Statut de la région. Pourtant, la Cour Constitutionnelle fédérale, plus tard, est arrivée à la conclusion inverse, posant l’antériorité de la conformité de cette norme à la Constitution fédérale, conservant ainsi le contrôle dans son champ juridique d’action.
Il est bien connu que les relations entre les cours statutaires et constitutionnelles des Sujets de la Fédération de Russie et la Cour Constitutionnelle de la Fédération de Russie ne sont pas hierarchisées, la Cour Constitutionnelle n’ayant pas l’une autorité de casser les decisions des cours locales. Néanmoins, la Cour Constitutionnelle a la compétence pour vérifier la conformité d’une norme de la loi du Sujet de la Fédération de Russie à la Constitution fédérale, qui a une force juridique supérieure sur l’ensemble du territoire de l’Etat, ce qui a été fait dans l’espèce.
Comme la Cour Constitutionnelle l’a indiqué elle-même dans l’arrêt, l’absence de telles compétences signifierait l’exclusion des lois des Sujets de la Fédération de Russie de la sphère de son contrôle. Tenant compte de la primauté de la Constitution de Russie, la conclusion de la Cour Constitutionnelle sur la conformité aux provisions constitutionnelles de la loi du Sujet signifie la conservation de cette dernière dans son champ juridique. Cet approche correspond, à notre avis, aux principes de l’organisation fédérative de Russie.
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« L’affaire Markine : suite » ; le 6 décembre 2013 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°27-P/2013 dans l’affaire sur le contrôle de constitutionnalité de l’article 392 (paragraphes 3 et 4) du Code de procédure civile (№27-П/2013)
La Cour Constitutionnelle a statué sur sa compétence exclusive pour trancher la question de l’applicabilité de loi qui entrave l’exécution d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, alors que celle-ci n’avait pas préalablement été reconnu non-conforme à la Constitution.
Le contexte de l’affaire
Le militaire Mr. Konstantin Markin, un homme divorcé, a demandé un congé parental pour éléver son fils nouveau-né. Ce congé lui a été refusé, ce droit étant expressement accordé par la loi aux militaires de sexe féminin, et non aux militaires de sexe masculin. Les tribunaux militaires ont approuvé la licéité du refus. Par la suite, ses supérieures lui octroyèrent un congé parental de deux ans environ ainsi qu’une aide financière de 200000 rubles en raison de ses difficultés familiales. Néanmoins, Mr. Markin a saisi la Cour Constitutionnelle de Russie d’un recours, dans lequel il alléguait que la législation en vigueur était incompatible avec le principe d’égalité énoncé dans la Constitution. La Cour Constitutionnelle, par sa décision adoptée en 2009, a reconnu la requête irrecevable, du fait de l’absence de fondement de violations des droits constitutionnels du requérant par les normes législatives, ne prévoyant pas la possibilité d’un congé parental pour les militaires de sexe masculin .
En mars 2012, la Cour européenne (Grande Chambre) saisie également d’un recours, a conclu à la violation des articles 8 et 14 de la Convention Européenne. En se fondant sur cet arrêt, Mr Markin a posé aux tribunaux russes une demande de réouverture de la procédure.
Le présidium du Tribunal de District de St-Petersbourg a saisi la Cour Constitutionnelle de Russie d’une demande sur la constitutionnalité des dispositions de l’article 392 du Code de procédure civile.
Ces dispositions établissent les fondements pour la réouverture de la procédure, sur le fondement des arrêts rendus, respectivement par la Cour Constitutionnelle et la Cour Européenne des droits de l’homme, statuant sur la non-conformité à la Constitution d’une norme appliquée dans l’affaire concrère du requérant, ou par la Cour Européenne des droits de l’homme, concluant à la violation de la Convention Européenne lors de l’examen de l’affaire concrère du requérant.
Le requérant (le Tribunal militaire) a posé la question de la conformité des dispositions contestées à l’article 15 la Constitution, dans la mesure où elles permettent la révision d’un jugement revêtu de l’autorité de la chose jugée, dans le cas d’un conflit entre les positions de la Cour Constitutionnelle et de la Cour Européenne concernant la conformité de dispositions législatives internes lors de leur application dans l’espèce, respectivement, à la Constitution et à la Convention Européenne des droits de l’homme, créant ainsi des obstacles à une résolution correcte de l’affaire en question. La non-conformité à la Constitution de la norme contestée est due, selon le requérant, à l’absence de mode de résolution des conflits entre les décisions de la Cour Constitutionnelle et de la Cour européenne des droits de l’homme rendues dans les affaires concernant la même personne. De surcroit, un arrêt de la Cour européenne peut ne pas être appliqué, si la Cour constitutionnelle russe a déjà antérieurement déclaré les dispositions en question conformes à la Constitution, ce qui fonde un refus de modifier la législation nationale.
La position de la Cour Constitutionnelle
La Cour Constitutionnelle a rappelé que les arrêts de la CEDH adoptés sur le fondement des requêtes contre la Russie devaient être executés. L’article 392 du Code de procédure civile est une des garanties de cette exécution, en établissant comme fondement de réouverture de la procédure la constatation d’une violation de la Convention Européenne par la CEDH dans une affaire concrète.
Dans ce cas, et tenant compte du fait que les droits et les libertés énoncés par la Constitution sont en substance les mêmes que ceux garantis par la Convention Européenne, se pose la question de la constitutionnalité des normes législatives nationales, bloquant l’exécution des décisions de la CEDH. Pour autant, cette question de la constitutionnalité des normes législatives nationales ne peut être traitée par une juridiction de droit commun, mais uniquement par la Cour Constitutionnelle dans le cadre de sa compétence exclusive. Par conséquent, dans ces cas, une juridiction ordinaire saisie d’une demande de réouverture de la procédure, est en droit de s’adresser à la Cour Constitutionnelle pour statuer sur la constitutionalité des normes qui entravent l’exécution de l’arrêt de la CEDH.
Ainsi, l’affaire de M. Markin peut être réouverte en substance compte tenu de l’arrêt présent.
Pour aller plus loin…
Dans cette affaire, les dispositions entravant hypothétiquement l’exécution de l’arrêt de la Cour Européenné étaient les normes de la législation sur le statut des militaires ne prévoyant pas le droit à un congé parental pour des militaires de sexe masculin. Pourtant, la question de la constitutionnalité de ces normes n’a pas été posée par le Tribunal militaire de District de Leningrad devant la Cour constitutionnelle. Or, il ressort de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle de Russie, qu’un tribunal peut saisir la Cour Constitutionnelle d’une telle demande en cas de besoin. Dans l’affaire présente la Cour Constitutionnelle a examiné uniquement les normes procédurales.
Une autre conclusion importante faite par la Cour Constitutionnelle dans l’espèce, est qu’une demande de contrôle de constitutionnalité peut être posée devant la Cour même si elle a été préalablement saisie de cette question de constitutionnalité. La Cour est venue à la conclusion que l’évaluation d’une norme comme non-conforme à la Convention Européenne justifie le retour à la question de sa constitutionnalité.
Si la Cour Constitutionnelle suite à l’examen de cette requête statue que la norme entravant l’exécution d’un arrêt de la Cour Européenne n’est pas contraire à la Loi Fondamentale, elle peut indiquer d’autres modes d’exécution (réalisation) de l’arrêt de la juridiction internationale.
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Le 19 décembre la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°28-P dans l’affaire sur le contrôle de constitutionnalité de l’article 53 (alinéa 2 §5) du Statut de la Région de Krasnoyarsk “Sur les élections des députés de l’Assemblée Législative de la Région de Krasnoyarsk”(№ 28-П)
La Cour a statué qu’un parti politique ne pouvait pas de manière arbitraire distribuer les mandats selon les résultats des élections.
Le contexte de l’affaire
La norme contestée de la loi “Sur les élections des députés de l’Assemblée Législative de la Région de Krasnoyarsk” accorde à la direction du parti, de manière discrétionnaire, le droit de passer un mandat vacant du député à n’importe lequel de ses groupes régionaux. Après les élections à l’Assemblée Législative de la Région de Krasnoyarsk en décembre 2011, il est apparu un mandat vacant sur la liste régionale du parti LDPR, qui a été complémenté par un candidat d’une autre région.
Selon le requérant, M. Khudorenko, qui faisait partie d’un groupe régional du LDPR dans la Région de Krasnoyarsk et n’a pas reçu le mandat vacant, la norme contestée donne à la direction du parti une liberté injustifiée concernant la distribution des mandats des députés et par conséquent porte atteinte aux droits des candidats à la députation ainsi qu’aux droits électoraux des citoyens.
La position de la Cour Constitutionnelle
En vertu de la Constitution, les citoyens sont les seuls possesseurs du droit électoral passif. Par conséquent, quand un citoyen devient candidat, la réalisation de ce droit cesse d’être l’objet d’un pouvoir discrétionnaire du parti qui l’a proposé comme candidat.
La distribution des mandats de députés dans le cadre de la liste du parti suite aux élections doit être justifiée par la volonté des électeurs. La dérogation à cette règle permettrait au corps élu de recourire à la discrimination des candidats et de réviser les résultats des élections contrairement à la volonté des électeurs. Par conséquent, seraient violés les principes d’égalité des candidats et du droit électoral.
La norme contestée a été déclarée non-conforme à la Constitution. La Cour Constitutionnelle a enjoint les législateurs régionaux à introduire les amendements necéssaires dans le régime de la retransmission des mandats des députés.
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Le 23 décembre 2013 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°29-P/2013 dans l’affaire sur le contrôle de constitutionnalité de l’article 1158 (paragraph 1) du Code civil de la Fédération de Russie (№ 29-П/2013)
La Cour Constitutionnelle a determiné le mode d’application des dispositions législatives sur le refus du droit de succession.
Le contexte de l’affaire
Conformément à au paragraphe 1 de l’art. 1158 du Code civil, l’héritier est en droit de refuser la succession en faveur d’autres héritiers, détenant ce titre en vertu du testament ou de la loi, et qui ne sont pas privés de succession, y compris en faveur des personnes qui sont appelées à la succession par transmission de droit ou par représentation.
Après le décès du frère du requérant, M. Kondrachuk, sa mère a refusé son droit de succession en faveur du requérant. Pourtant, les tribunaux de droit commun ont rejeté la demande du requérant de redéterminer la répartition des quotes parts de l’héritage, invoquant la non-conformité du refus de droit de succession à l’article 1158 du Code civil russe. Les tribunaux ont indiqué que le requérant n’entrait pas au nombre des héritiers appelés à la succession en vertu de l’arrêt de Plenum de la Cour Suprême de la Fédération de Russie concernant les affaires de succession du 29 mai 2012 N° 9.
La position de la Cour Constitutionnelle
Les dispositions de la norme contestée ont été interprétées par le Plenum de la Cour Suprême de la Fédération de Russie dans les affaires de succession du 29 mai 2012 N° 9. Suite à l’accroissement législatif du nombre total des tours des héritiers, la Cour Suprême a interprété les dispositions contestées comme permettant le refus du droit de succession uniquement en faveur des héritiers qui ont été appelés à la succession. La pratique judiciaire, elle aussi, a exigé des clarifications en raison des difficultés qui se posent lors de la confirmation des liens familiaux entre les héritiers et le défunt, ainsi que de la possibilité de l’absence de volonté du défunt de voir ses biens transmis à des personnes avec lesquels il n’a pas de liens tenus. Cette approche elle-même n’était pas contraire à la Constitution.
Pourtant, l’article 1158 du Code civil n’établit pas le cercle determiné des personnes en faveur desquelles un héritier peut refuser son droit de succession. Et ainsi, dans la pratique judiciaire et notariale, cette question a été résolue avec le temps d’adoption par l’arrêt du Plenum de la Cour Suprême du 29 mai 2012. Par conséquent, les héritiers potentiels qui comptaient sur la loi dans son interpretation officielle préalable, se sont trouvés en situation d’insécurité juridique. Par là même, la confiance des citoyens envers la loi et les actions de l’Etat a été minée, ce qui est inadmissible, comme l’a indiqué à nombreuses reprises la Cour Constitutionnelle.
Les dispositions contestées sont contraires à la Constitution. Le législateur fédéral est obligé de modifier la règlementation du refus du droit de succession en faveur d’un autre héritier, en concrétisant les personnes en faveur desquelles il peut être effectué.
La Cour Constitutionnelle a également suspendu l’application des dispositions de l’article 1158 jusqu’au moment de l’introduction des modifications législatives nécessaires.
L’affaire du requérant doit être revisée.
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Le 24 décembre 2013 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°30-P/2013 dans l’affaire sur le contrôle de la constitutionnalité de l’article 14 de la Loi Fédérale « Sur la prévention de la diffusion du tuberculose sur le territoire de la Fédération de Russie » (№ 30-П/2013).
La norme contestée prescrit aux entités constitutives de la Fédération de Russie d’octroyer aux personnes infectées de tuberculose en forme ouverte un logement séparé, si ces personnes vivent dans des conditions n’assurant pas leur isolement. En même temps, la législation ne détermine pas le niveau du budget au frais duquel ce bénéfice doit être octroyé.
La position de la Cour Constitutionnelle
La disposition contestée relève de la compétence conjointe des pouvoirs fédéraux et régionaux. En vertu de la législation en vigueur, si la loi sur la distribution des pouvoirs n’impose pas l’obligation du financement aux pouvoirs régionaux, ce financement doit être effectué au frais du budget fédéral.
Par conséquent, la norme contestée a été declarée non-conforme à la Constitution. Le législateur fédéral doit déterminer la procédure du financement des mesures en question. Jusqu’au moment de l’introduction des changements nécessaires, les dépens des budgets régionaux doivent être compensés par le budget fédéral.
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Le 31 janvier 2014 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°1-P/2014 dans une affaire sur le contrôle de constituonnalité de l’article 127 (alinéa 10 paragraphe 1) du Code de la famille de la Fédération de Russie (№ 1-П/2014)
La norme contestée interdit l’adoption aux personnes contre lesquelles des poursuites pénales ont été dirigées ou ayant été impliquées dans des affaires pénales closes fondées sur toute une série d’articles du Code pénal. La loi établit des exceptions uniquement pour les personnes dont les affaires ont été closes en raison de l’absence du corps du délit ou de la reconnaissance de leur non-participation dans la commission de l’infraction incriminée.
Le contexte de l’affaire
Un procès pénal a été intenté contre le requérant en 2009 lors duquel il a été incriminé de blessures causées à un autrui. Le procès a été clos plus tard en raison de la réconciliation des parties. En 2012, en vertu de la norme contestée, les tribunaux ont refusé au requérant le droit d’adopter de son beau-fils, qu’il élévait ensemble avec sa femme (les époux ayant également un enfant commun). Le père biologique de l’enfant a donné son accord à l’adoption en indiquant qu’il ne voulait pas s’occuper de son éducation.
Le requérant a affirmé que la norme contestée introduisait une interdiction illimitée en temps et absolue de l’adoption et par conséquent portait atteinte à son droit à une protection juridique efficace et au procès équitable, qu’elle ne correspondait pas aux buts de l’Etat social et n’était pas conforme aux obligations de soutien de la famille.
La position de la Cour Constitutionnelle
Les normes contestées ont pour but de protéger la securité des enfants, leurs droits et intérêts.
Les craintes justifiées pour la securité de l’enfant surgissent quand, contre un adoptant potentiel, des poursuites pénales ont été dirigées pour la commission des crimes graves ou très graves ou des crimes sexuels. Dans ces cas, la prohibition absolue de l’adoption est conforme à la Constitution.
Dans les autres cas envisagés par la norme contestée, le passé criminel suscite également des doutes en ce qui concerne la possession par l’adoptant des qualités nécessaires pour l’éducation d’un enfant. En même temps, le caractère absolu et illimité (dans le temps) de l’interdiction ne permet pas tenir compte des circonstances de l’affaire concrète et d’assurer une approche individuelle tenant compte des intérêts de l’enfant. Dans ce contexte, la norme contestée n’est pas conforme à la Constitution.
Par conséquent, la Cour Constitutionnelle a enjoint le législateur de préciser les dispositions du Code de la famille en conformité avec l’arrêt rendu. Jusqu’au moment où les modifications seront apportées, l’interdiction de l’adoption sera absolue pour les personnes ayant été reconnues pénalement responsables pour des crimes graves ou très graves ainsi que pour des crimes à caractère sexuel. La question du droit de l’adoption pour les autres personnes ayant un passé criminel est à resoudre par le tribunal. En faisant cela, le tribunal doit évaluer les circonstances de l’affaire concrète, ainsi que les droits, les intérêts et la sécurité de l’enfant.
L’affaire du requérant doit être revisée.
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Le 6 février la Cour Constitutionnelle a prononcé l’arrêt N°2-P/2014 dans l’affaire sur le contrôle de constitutionnalité de l’article 4 (paragraphe 5) de la Loi Fédérale « Sur les vétérans » (№ 2-П/2014)
Selon la norme contestée, le droit d’obtenir le statut d’invalide de la Grande Guerre Nationale est reconnu aux personnes ayant effectué le déminage à partir 1944, mais pas avant.
La Cour Constitutionnelle a reconnu que la norme en question entraînait une discrimination à l’égard des personnes qui ayant obtenu des blessures lors des travaux de déminage avant 1944.
Par conséquent, la norme a été reconnue non conforme à la Constitution. L’affaire du requérant doir être revisée.
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Le 21 février 2014 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°3-P/2014 dans l’affaire tranchée sans tenir l’audience, sur le contrôle de la constitutionnalité de l’article 19 (paragraph 1) de la Loi fédérale « Sur les sociétés à responsabilité limitée » (N 3-П/2014)
La norme contestée fixe la procédure d’adoption des décisions sur l’augmentation du capital statutaire d’une société à responsabilité limitée par les contributions supplémentaires faites par les associés.
En invoquant sa jurisprudence antérieure, la Cour Constitutionnelle a noté qu’un équilibre devait être assuré entre les intérêts de la société et de ses associés, y compris dans les cas où l’augmentation du capital statutaire est necessaire aux intérêts de toute la société. Par conséquent, la décision sur l’augmentation du capital statutaire par contributions supplémentaires des associés, prise par une majorité qualifiée des associés, ne peut pas être annulée, si les associés minoritaires ayant voté contre une cette augmentation n’ont pas assurés leurs contributions dans le délai fixé par la loi.
La norme contestée a été reconnue conforme à la Constitution, telle que la Cour l’a interprétée dans cet arrêt.
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Le 25 février 2014 la Cour Constitutionnelle a adopté l’arrêt N°4-P/2014 dans l’affaire sur le contrôle de constitutionnalité d’un certain nombre de dispositions du Code des infractions administratives (№ 4-П/2014)
La Cour Constitutionnelle a été saisie par plusieurs personnes morales contre lesquelles les poursuites administratives ont été dirigées à des périodes différentes et dont les amendes varaient entre 100 000 et 800 000 roubles.
Selon les requérants, les normes contestées, établissant une somme-plancher importante de l’amende et ne permettant pas l’imposition d’une sanction au-dessous de cette limite, ne permettent pas au tribunal de prendre en considération les circonstances concrètes de l’affaire, telles que la nature de l’infraction commise, l’état financier du requérant, le degré de sa faute. De ce fait elles ne répondent pas aux exigences de la proportionalité des peines et empêchent l’application d’une peine juste, ce qui transforme l’amende d’une mesure préventive contre les infractions en un instrument de répression de la liberté économique et en une limitation excessive de la liberté d’entreprise et du droit de propriété.
La position de la Cour
Le taux des amendes administratives, les limites minimales surtout, à l’égard des personnes morales, doit répondre aux critères de proportionnalité et assurer l’individualisation de la peine. Une telle individualisation devient difficile, voire impossible, dans les cas où le montant minimal d’une amende est de 100 000 roubles et plus. Les normes contestées ne permettent pas de tenir compte de circonstances pouvant être importantes pour l’individualisation de la responsabilité administrative et ainsi assurer une sanction administrative proportionnelle et juste.
Le législateur fédéral est obligé d’apporter les amendments nécessaires au Code des infractions administratives. Jusqu’à ce moment, le montant de l’amende minimale selon les articles contestés (ainsi que selon les autres articles du Code, si elle constitue 100 000 roubles et plus), peut être diminué par le trubunal en-deçà du minimum fixé par la loi, dans les cas où cela est nécessaire pour prevenir une restriction excessive des droits économiques des personnes morales poursuivies pour infraction administrative.
Les décisions rendues dans les affaires des requérants doivent être revisées.
[1] Dans le système judiciaire russe, les tribunaux ordinaires ont la compétence de vérifier la conformité des actes réglementaires aux lois fédérales ; les cours constitutionnelles et statutaires des entités constitutives de la Fédération de Russie sont chargées de vérifier la conformité des lois des entités aux constitutions et statuts ; la Cour Constitutionnelle de la Fédération de Russie a la compétence exclusive concernant le contrôle de la conformité des actes normatifs à la Constitution de la Fédération de Russie. Ainsi la compéténce est répartie quoi qu’en pratique les difficultés apparaissent parfois.
[2] En fonction de leurs statuts juridiques, les entités fédérées peuvent adopter des constitutions locales ou des statuts locaux. L’appellation de la juridiction chargée d’apprécier la conformité de la législation locale à cet acte en dépendra. Il s’agira respectivement de cours constitutionnelles ou statutaires.
[3] La Fédération de Russie est composée d’entités constitutives, qui sont répartis en républiques, régions et territoires, ainsi que deux villes d’importance fédérale , une région autonome et les districts autonomes.
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