Loi sur la « Rénovation »
Loi fédérale du 1er juillet 2017 N° 141-FZ « portant modification de la loi de la Fédération de Russie « sur le statut de la capitale de la Fédération de Russie » et de différents actes législatifs de la Fédération de Russie en liaison avec l’instauration de mécanismes juridiques spécifiques dans le but de la « rénovation » du fonds immobilier d’habitation de la ville d’importance fédérale de Moscou – Sujet de la Fédération de Russie »
En février 2017, le Président russe V. Poutine demande à la ville de Moscou de mettre de l’ordre dans le parc des “Khrouchtchevka”, ces immeubles de 5 étages construits souvent dans l’urgence à l’époque de Khrouchtchev, prévus pour durer une cinquantaine d’années et résoudre le problème du logement à Moscou en particulier, et en Russie en général. Mais ce type d’immeubles couvre en fait deux réalités: des immeubles en briques, solides mais simples, et des immeubles construits sur la base de blocs empilés avec des espaces intérieurs très réduits, dont beaucoup ont déjà été démolis sous l’ancien maire de Moscou Youri Loujkov.
Un vaste programme de destruction de ces immeubles d’habitation a donc été lancé par le maire de Moscou, Sobianine. Au départ, les choses sont vues en grand, oubliant quelque peu les contraintes juridiques. Le programme dit de “Rénovation” prévoit alors sur 20 ans de détruire environ 7900 immeubles, ce qui entraîne un relogement d’environ 1,6 million de personnes pour un coût de plus de 3 trillons de roubles, sans que des garanties particulières ne soient prévues : les propriétaires étant présumés satisfaits de changer d’habitation.
Une forte vague de contestation s’empare de la population, dès l’adoption de la loi en première lecture. Le Département juridique de l’Administration présidentielle ainsi que le Conseil de codification du droit civil auprès du Président rendent un avis négatif sur ce projet qui, dans sa rédaction initiale, viole la Constitution en portant une atteinte disproportionnée au droit de propriété privée. Le Conseil relève principalement l’absence de possibilité pour les habitants de contester devant la justice la décision elle-même de démolition de leur bien immobilier, ils ne peuvent contester que l’équivalence du logement proposé. Juridiquement, un autre problème se pose: celui des hypothèques et de leur transmission, problème qui inquiète sérieusement les banques, sans oublier la question d’une réelle équivalence des biens, car la valeur de chaque appartement, dans un même immeuble, s’apprécie individuellement, en fonction par exemple des travaux d’entretien qui ont été effectués, de l’ensoleillement, etc. Or, la loi ne prévoyait au départ aucun mécanisme de compensation financière individualisée en cas de moins value.
La Douma a dû prendre les choses en main en urgence, organiser des consultations avec les habitants concernés et en profondeur retravailler le texte afin de renforcer les garanties pour les propriétaires et limiter le champ d’application du programme et matériellement et dans le temps. Le texte définitif restaure ainsi une certaine proportion entre l’atteinte portée à la propriété privée et la nécessité d’ordre public, même si les immeubles menaçant ruine n’ont pas besoin de ce texte pour être détruits et les habitants relogés. La « Rénovation » introduit donc en droit russe une nouvelle forme d’expropriation qui se base sur l’accord donné par les 2/3 des propriétaires d’un bien immobilier, entraînant par là même une certaine « collectivisation » du droit de propriété.
Ainsi, la ville de Moscou s’est vue reconnaître un certain nombre de nouvelles compétences, notamment celle d’établir la liste des bâtiments concernés par ce programme. Après intervention du législateur, cette liste a été considérée comme définitive, une fois cette loi adoptée. Les habitants et propriétaires de ces immeubles en furent informés et purent voter jusqu’au 15 juillet 2017 afin de déterminer s’ils voulaient ou non faire partie du programme. Deux tiers des voix exprimées étaient suffisants pour faire entrer un bien immobilier dans le programme de démolition.
4543 immeubles ont été concernés, la moitié d’entre eux seulement entrent dans la catégorie de ces fameux « Khrouchtchevka » au nom desquels le programme a été lancé. Selon la loi, le programme ne pouvait concerner que les immeubles de la première période de la construction industrielle et les bâtiments ayant des caractéristiques analogues.
Les résultats du vote des propriétaires et des personnes résidant à titre social dans ces immeubles montrent un large soutien au programme, puisque dans 90% des cas le vote fut positif, 6% ont refusé et 4% sont en litige.
Pour qu’un immeuble entre dans le programme de démolition, comme nous l’avons dit, il suffit des deux tiers des votes des propriétaires participants dans chaque immeuble. Cette disposition est juridiquement la plus contestée, car elle rend le droit de propriété non pas individuel, mais collectif. La décision est alors annoncée par l’assemblée générale des propriétaires. A tout moment de la mise en oeuvre du programme de Rénovation, les propriétaires peuvent se prononcer pour l’exclusion de leur immeuble de la liste prévue pour la démolition, tant que le processus de démolition n’a pas commencé. Pour cela il suffit d’organiser à nouveau une assemblée générale et un vote des propriétaires et des locataires sociaux, à hauteur de plus d’un tiers des voix exprimées en faveur de la sortie du programme.
Pour compenser ce qui finalement ressemble beaucoup à une expropriation, les habitants ont reçu un certain nombre de garanties concernant, notamment, leur relogement:
- La superficie et le nombre de pièces dans le nouvel appartement doivent au moins être équivalents à l’ancien ;
- Le niveau de confort du logement doit être amélioré et correspondre aux standards de la ville de Moscou ;
- Le logement doit se trouver dans le même quartier, à l’exception des arrondissements de Zelenograd, Troïtskoe et Novomoskvy pour lesquels le relogement se fera dans les limites de l’arrondissement.
Les propriétaires, par ailleurs, peuvent demander que la compensation soit financière. Qu’elle soit financière ou en nature par le relogement, la compensation se fait sous la forme d’un contrat conclu entre le propriétaire du logement entrant dans le programme de Rénovation et la ville de Moscou, emportant transfert du droit de propriété et des différentes obligations afférentes. Pour les personnes propriétaires d’une pièce dans les appartements communautaires, il est prévu qu’ils entrent en propriété d’un studio.
Des dispositions spéciales ont été adoptées pour tenir compte des effets de la démolition de ces immeubles sur les PME s’y trouvant. Ainsi, leurs propriétaires se voient garantir le droit à la conclusion d’un contrat de location d’un local commercial équivalent dans le fonds immobilier de la ville de Moscou, aux mêmes conditions. Pour autant, la loi ne prévoit pas de compensation en cas de perte d’activité commerciale du fait de la loi sur la Rénovation.
Un Fonds spécial est mis en place par la ville de Moscou pour gérer les aspects financiers du programme de Rénovation, établi sous la forme juridique d’ « organisation unitaire non commerciale ».
Différentes dispositions supplémentaires ont été prises pour réguler l’enregistrement de la propriété, la transmission des hypothèques, la transition fiscale, la mise aux normes de sécurité et sanitaires, etc. Les nouveaux propriétaires sont notamment libérés des taxes liées à l’acquisition d’un bien immobilier et à son enregistrement.
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