Entrée en vigueur de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 instaurant une obligation réelle environnementale
Parmi les nouveautés de l’année passée, il y a la création de l’obligation réelle environnementale. Cette création, au confluent du droit des biens et du droit de l’environnement, s’inscrit dans la volonté du législateur d’adopter une politique en faveur de la biodiversité et la protection de l’environnement.
L’obligation réelle environnementale, contenue dans le nouvel article L. 132-3 du Code de l’environnement et créée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 (JO 24 sept.), est entrée en vigueur au 1er janvier 2017. L’article L. 132-3, alinéa 1er, énonce désormais que « Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ». Ce mécanisme novateur a suscité nombre de commentaires, pas toujours amènes, tant sur sa portée que sa nature[1]. Ainsi, avec cette obligation, le propriétaire promet d’affecter certaines utilités de son bien immobilier au profit d’une personne garante de la préservation de la biodiversité.
On distingue classiquement les droits personnels et les droits réels. Si les premiers sont envisagés comme un rapport entre deux ou plusieurs personnes – rapport qui peut avoir pour objet une chose – les seconds sont considérés comme les lien juridique exclusif entre la personne et une chose. Au confluent de ces deux types de droits existent les obligations réelles qui pèsent sur une personne en sa qualité de propriétaire d’un fonds ou de titulaire d’un droit réel. Par cette loi, le législateur français a créé, une obligation réelle nouvelle et originale à de nombreux égards et, en premier lieu, parce qu’elle a une vocation environnementale. Elle constitue donc une hybridation : attachée au droit de propriété, elle est transmise concomitamment au transfert de propriété alors même qu’elle résulte de la volonté du propriétaire et bénéficie, non à un fonds dominant, mais à une personne garante de l’intérêt écologique.
Le recours à l’obligation réelle permet donc de faire peser sur la propriété certaines charges dans le but d’une meilleure exploitation du bien et de la patrimonialisation de certains enjeux environnementaux. L’originalité du mécanisme est d’offrir un « nouveau moyen hybride de maîtrise du foncier[2] » qui, au contraire des servitudes, n’a pas besoin de la dualité de fonds servant-dominant et qui, en outre, repose sur la volonté du propriétaire d’accepter des obligations visant à favoriser la biodiversité.
Si l’objectif est louable, le recours à une obligation réelle rend sa mise en œuvre plus que malaisée. Interrogeant la nature du mécanisme, le professeur Dross souligne que « l’obligation réelle, parce qu’elle contredit le lien idéologique établi entre la liberté et la propriété, ne peut bénéficier que d’une reconnaissance étroite[3] ». Aussi, il envisage cette obligation réelle environnementale comme un contrat accessoire à la propriété de l’immeuble, qu’il qualifie de contrat environnemental, et non comme une obligation accessoire d’un droit réel démembré. L’auteur met alors en exergue qu’on serait en présence d’une véritable cession de ce contrat environnemental accessoire au droit de propriété. Ce contrat, qui fait l’objet d’une publication à la publicité foncière, sera alors opposable aux acquéreurs du fonds puisqu’il en sera fait mention dans l’acte de cession.
Ni servitude, ni droit réel, le mécanisme constitue un droit personnel propter rem. Deux auteurs soulignent qu’il s’agit d’une charge foncière d’un nouveau type qui vient s’inscrire dans l’intérêt « d’une personne (garante de l’intérêt général écologique), ce qui permet de procéder à une autre répartition des utilités de l’immeuble[4] ». Au travers de cette charge foncière qui se manifeste par un droit d’accès sur la propriété d’autrui, certains veulent y déceler l’émergence de « biens communs destinés à l’usage de tous et de patrimoine collectif[5] », notion au centre d’intenses réflexions actuellement[6].
[1] N. Reboul-Maupin et B. Grimonprez, Les obligations réelles environnementales : chronique d’une naissance annoncée, D. 2016, p. 2074 ; W. Dross, L’originalité de l’obligation réelle environnementale en droit des biens, J.-Cl. Énergie, Environnement, Infrastructures, juin 2017, n° 16, p. 53 ; J.-B. Seube, Les obligations réelles environnementales entrent dans le droit positif, Dr. & patr. nov. 2016, p. 95
[2] N. Reboul-Maupin et B. Grimonprez, op. cit.
[3] W. Dross, L’originalité de l’obligation réelle environnementale en droit des biens, J.-Cl. Énergie, Environnement, Infrastructures, juin 2017, n° 16, p. 55.
[4] N. Reboul-Maupin et B. Grimonprez, préc., p. 2078.
[5] N. Reboul-Maupin et B. Grimonprez, Ibid., L’auteur cite notamment J. Rochfeld, Les grandes notions du droit privé, PUF, coll. Thémis Droit, n° 31.
[6] M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld, Dictionnaire des biens communs, PUF, coll. Quadrige Dico Poche, 2017.
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